First

Premier voyage dans la classe (j'ai failli écrire caste) number one du fleuron de l'industrie ferroviaire français, et je n'ai pas été déçue du voyage.

Comme c'est un évènement majeur marquant un changement évident (fin dans ma vie surtout hein) je ne résiste pas à l'écriture de ce billet.

Quand il m'arrive des trucs surnaturels comme ça, je pense toujours au mémoire de mon amie Leila en Maîtrise d'Anglais à la fac, la fameuse expression "gravir les échelons sur l'échelle de la réussite", chez les populations noires américaines à une période bien définie qui m'échappe à l'instant mais elle me pardonnera rien que parce que je me souviens du sujet de son mémoire d'y a 10 ans.

Bref, on a l'impression que c'est pas un truc de ouf, c'est juste monter dans un train, et au lieu de s'asseoir en seconde, comme tous les autres jours de ma vie, aujourd'hui, je répète, j'étais assise dans un siège en cuir, large, où je n'avais pas froid, où j'avais même de quoi recharger mon portable, où les espaces étaient tellement larges partout, que forcément y avait moins de sièges, moins de monde, j'avais l'impression pour une fois dans ma vie, d'être sur la bonne liste.

Alors, non, ce n'est pas désagréable, c'est comme quand pour mes 25 ans, mes deux inséparables Suze et Graz avaient décidé de m'emmener en boîte sur les Champs Elysées et qu'il fallait être sur la liste, "genre", et forcément on n'y était pas, "blanche neige" y a pas?ah zutttttt ils ont encore zappé de m'y inscrire.

Bref, quand on a pu rentrer dans une boîte sur George V c'était le Graal, on était des "stars" des privilégiées youpi!

Bein là,pareil mais en forme de train.

Je ne m'habitue pas au luxe, je n'y prends pas goût, je sais en bonne fille de bonne famille modeste qu'un jour où l'autre on me reprendra ce que l'on m'a "permis" de toucher du doigt.

Car qui suis je?

A première vue, une fille drôle, plutôt cultivée et instruite.

Je "semble" être arrivée.

En réalité, mes grands parents, comme vous l'aurez compris à la lecture de récents posts, sont immigrés italiens, mon grand père retraité des mines du Nord où il a laissé 80 % de ses poumons et ma grand mère, mère au foyer.

Seul mon oncle a pu faire des études et est devenu professeur d'anglais, alors que mon père et ses frères n'ont pu que se contenter du bac, un seul intello pour mon grand père ça suffisait.

Mon père ne s'est tout de même pas laissé faire, et a entrepris de son côté, des études, s'est inscrit en BTS, à la fac de droit, a fait son petit bonhomme de chemin, et n'a à rougir de RIEN, puisque ce qu'il a fait, il l'a fait tout seul, avec l'aide de son cerveau et de son courage.

Ma mère a fait des études d'italien, mais son père était aussi modeste que mon autre grand père, vivant dans les maisons des Mines, normal, rien de "choquant" à ça.

Finalement, mon père a réussi à la fin des années 70 à acquérir un immeuble en rente viagère (quoi?vous n'avez pas compris?bein y a acheté une maison à un gars, vieux, qui montait les marches dans l'escalier à quatre pattes, et pis quand y est mort, bein, l'baraque chéto à li, c'est bon là?)

Excellent début.

La suite a un peu capoté, mais en fins de comptes, mon père a su gérer, et malgré une vie professionnelle émaillée d'injustices allant crescendo, il s'en est franchement bien sorti et je suis fière de lui.

Mais, quels étaient les bagages de départ?

Ni facilités, ni coups de bol, ni filons, ni piston, ni million découvert dans une cave un jour alors qu'on faisait des travaux.

Non, rien de tout ça.

Pas de marques, pas de luxe, et ça apprend la valeur de l'argent.

Et moi, j'ai décidé de devenir Avocat.(pas le fruit, l'autre)

On pourrait croire que ça met à l'abri du besoin.

Peu sont ceux qui ont cru que j'y arriverai, y compris dans ma famille, études longues, difficiles, coûteuses, j'ai toujours travaillé en marge de ces études, j'ai un cv tellement éclectique que je n'en reviens pas moi même d'avoir fait tous ces trucs.

Un jour de novembre 2007, j'ai réussi mon rêve. J'ai bien dit "rêve".

J'ai rêvé, que toutes ces années à  gravir les échelons, à sacrifier mes 20 ans, à passer les rattrapages, à travailler dur, tard, à pleurer parfois tant c'était ardu, me permettraient de me réussir ma vie, d'assurer mon avenir,.

Dans les années 80, on voulait encore que les enfants deviennent médecin ou avocat.

C'était l'âge d'or, de ces professions là.

Mmh.

Erreur de jugement.

La grande rêveuse que je suis a déchanté.

Mais sans doute la vie m'a t elle rendu service, puisqu'elle m'a offert le vaccin contre le rêve le jour même où j'ai posé mon regard sur l'exercice de mes fonctions.

Le métier d'avocat est magnifique.

L'exercice des fonctions d'auxiliaire de justice.....nettement moins rutilant.

Les mois qui viennent de s'écouler, m'ont permis de me réjouir de ce voyage en 1ère classe aujourd'hui.

Les jours incertains, les soirs de peur, de doutes, de craintes, notamment celle de ne pas savoir faire un choix entre mettre du gazoil dans ma voiture ou aller faire des courses alimentaires, celle de recevoir chaque jour un appel de la banque, celle de perdre peut être son logement pour un rejet de prélèvement gentiment orchestré par un gentil banquier qui oh mon dieu, ne fait que son travail.

Ce réflexe d'appuyer sur l'interrupteur en rentrant pour vérifier que la lumière ne m'avait pas quitté, cette envie d'être chez moi le plus souvent, pour profiter on ne sait jamais, cette boule au ventre en voiture, cette absence de moyens de paiement, cet interdit bancaire même éphèmère, cette coupure de téléphone.

Parce que l'idée c'était 1, que je sois fière de moi, 2, que mon père, mon grand père, aient aussi l'impression d'avoir un peu réussi.

On me dit souvent, deux choses.

La première, "c'est le début, il faut manger son pain noir avant de manger son pain blanc".

Certes. 

Je répondrai simplement, 4 ans après le bac, plus 1 an de préparation au concours d'entrée, plus 2 ans d'école, sans compter les années faites en doublon, égal en tout au moins 9 ans, que j'ai sacrifiées, comme d'autres, évidemment, pour porter ma robe noire à rabat blanc, au prix d'une robe Vanessa Bruno.

De plus, le début date de 2007, ce n'est donc plus trop trop le début.

Je suis installée depuis 2009. "c'était quand même un peu tôt"  vous trouvez?alors il fallait m'embaucher peut être? Nan je déconne.

Je n'aime pas l'autorité, je ne sais toujours pas pourquoi d'ailleurs.

Et je n'aime pas trop le pain noir, ni le blanc d'ailleurs. Je le préfère aux céréales. En vous remerciant.

La deuxième chose qu'on me dit."ça va venir, il ne faut pas baisser les bras, toutes ces études pour abandonner maintenant, ce serait dommage, tu te débrouilles peut être mal?"

Bon

D'abord, je n'ai, me semble t il pas eu besoin de conseils pour me planter jusqu'à maintenant.

Je n'en n'ai pas eu d'ailleurs. Aucun.

Qu'est ce qui va venir? Les emmerdes?C'est déjà arrivé.

Quoi d'autre?

Vais je sacrifier les plus belles années qui me restent (vu que les 10 dernières je les ai consacrées à mes études, mais je ne peux en vouloir qu'à moi même, c'est moi qui ai voulu devenir avocat et bim) à devenir aigrie en ramassant les miettes d'honoraires que la banque me concédera quand par miracle un jour mes clients viendront me payer?

A qui est cette vie dont on parle?

A moi. C'est LA MIENNE. 

Donc si un jour, quelqu'un doit décider de révolutionner, de prendre la Bastille de ma vie, bein, ce sera moi.

Parce que j'ai touché mon rêve, je l'ai réalisé, je l'ai pour toujours, mais il est des rêves qui doivent en réalité peut être le rester pour qu'on ne soit pas déçu.

Ou bien, il eut fallu (je parle bien hein, bac littéraire avec mention ouais, la classe), que je sois éclairée.

Que je sache précisément où je mettais les pieds.

J'ai ce besoin, que dis je, cette SOIF de justice, cette FOI en l'humain, cette PASSION pour l'égalité entre les hommes.

J'ai cru trouver de quoi épancher ma soif, ma foi et ma passion, dans la ....Justice.

F.B.I  fausse bonne idée.

Oui, je suis naïve. 

D'abord parce qu'être avocat ça ne met plus à l'abri du besoin, en tous cas pas les 10 premières années quand on est dans un grand barreau, en 2000.(ni les 10 suivantes à en croire certains statuts alarmants de certains confrères sur les réseaux sociaux)

Ensuite, parce que je suis une femme, que j'aime le pénal (les délinquants tout ça) et que c'est là que je trouve le plus d'humanité pour calmer mes angoisses de petit citoyen du monde.

Et enfin, parce que je croyais, que les gens étaient punis sur la base de preuves concrètes et aussi, que j'allais être utile et joindre l'utile à l'agréable puisque je vivrai de ma passion.

Bref, l'enchantement a été assez court. Enfoiré de Merlin l'Enchanteur, ta potion ne marche pas assez longtemps!

Mais j'y crois encore en fait, à cet idéal de justice, j'y crois, parce qu'il y a des hommes, notamment UN, qui me réconcilie avec cette profession; qui me dit au travers de son livre que je n'ai pas eu tort, qu'il faut se battre, que ça vaut le coup, que même si on s'illusionne, on a raison, de croire en l'Homme.

Cet homme là, m'a donné envie de faire du droit pénal, il m'a donné envie d'avoir une grande gueule, il m'a donné confiance, et m'a ôté la peur de me prendre des coups.

Je l'admire, les points communs sont légions entre nous, mais il ne le saura sans doute jamais, rien que de lui serrer la main me fige, l'admiration se transforme parfois en fanatisme de midinette attardée. Pardon je dévie. 

Mais ce grand Homme avoue aussi que cette vie là le tue à petit feu, et ça fait 20 ans qu'il la vit.

En cinq ans, j'ai déjà réalisé que ça m'abîmerait si je continuais à trimer.

Pour vous qui me lisez, trimer ça veut peut-être dire, bosser à la chaîne, se lever à 5 heures, soulever des matériaux lourds, conduire un camion et bouffer des kilomètres, bosser dans le froid, faire des ménages, et que sais je encore.

Je ne vous donne pas tort.

Je ne soulève rien, je ne me lève pas à 5 heures, les seules choses que j'aie dans les mains ce sont les vies brisées des gens, que je dois aider et qui comptent sur moi, mais qui n'ont rien pour me payer.

Et cette banque froide et implacable, je la connais aussi, les angoisses des factures en fin de mois, je les ai aussi, le stress de savoir si on y arrivera, si on sera un jour proprio, je les ai aussi.

Et trouver un mari, faire des enfants, avant 40 ans si possible, être en bonne santé, voir sa famille, avoir une vie sociale, n'être dépendant de rien, ni de personne, ne pas être surendetté, assurer un avenir à mes futurs enfants. Aussi.

Je ne suis pas la seule.On est peut être 800 sur 1200 dans ce cas à Lille.

Alors quand je prends un billet de train pour aller vivre ma passion, avec 39° de fièvre, et qu'il s'avère que je peux voyager en 1ère....j'ai le droit de croire que c'est un évènement.

Et d'écrire un article sur le sujet, oh non pas pour me plaindre, je n'en n'ai nullement besoin, je sais où je vais je sais ce que je veux faire de ma vie.

Je ne suis pas à plaindre.

La justice, les humains, le monde, si.

Mais tant qu'il y aura des gens pour rêver, on est sauvés.

Bonne nuit les amis.

Commentaires

Puck a dit…
'Tu te débrouilles peut-être mal'!!?!?
Présentes-moi donc cette personne, que je lui dessine la trace de mes doigts dans sa vilaine face...
Y a d'la joie! a dit…
ils sont plus d'un ma belle, je te conseille de muscler tes doigts:)
Puck a dit…
Je m'échauffe pour la rafale de phalanges.

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