Poètes Disparus.(et réapparus)

Vous allez trouver ça étrange, voire même incroyable, mais j'ai vu pour la première fois cet après-midi, le Cercle des Poètes disparus (en anglais, sous titré en anglais, ça fait du bien)

Non pas parce que Robin Williams a quitté ce monde pour des cieux plus cléments (car quoi qu'on en dise, la richesse, le talent, la fortune, l'argent ne font résolument pas le bonheur) mais parce que l'occasion m'était proposée par un ami cher et que nous avions du thé à en revendre en cet après midi pluvieux.

Et parce que la curiosité me titillait depuis de nombreux mois, voire de nombreuses années.

Il y a 1 an, juste avant les vacances de Pâques, je suis entrée dans la classe dans laquelle j'étais supposée faire cours, à des étudiants de 4ème année de droit.

Dévastée, déstabilisée par le départ précipité de mon amie Jeanne, j'ai tenu néanmoins à retourner en cours, les étudiants, la naïveté, la candeur, cette fac où nous nous sommes connues, cette salle où nous avons pouffé ensemble au fond à droite prés du radiateur, tout ça ne pouvait que me faire du bien.

Je suis donc arrivée, moins enjouée que d'habitude, j'ai salué ma classe, qui s'attendait à une pirouette, un moon walk ou des claquettes, et j'ai écrit en majuscules sur le tableau : V I V R E.

Ils m'ont regardé avec des yeux ronds bien sûr.

Je ne suis pas montée sur le bureau ce jour là en clamant "Oh captain, my captain" mais je leur ai dit qu'il fallait vivre, profiter, qu'avoir les meilleures notes, les mentions, les honneurs, ne sauve personne de la maladie, qu'il fallait décrocher des cours parfois pour s'oxygéner le cerveau, qu'ils devaient être là parce qu'ils le souhaitaient et non parce qu'on les y obligeait.

Je les ai ensuite invités à me rejoindre durant les vacances scolaires, à la mer.

Nous avons pris les agendas, bloqué une date. "Rendez-vous devant le casino de Malo les Bains, le 17 à 10h30. J'y serai. Et vous?"

La veille je me demandais s'ils viendraient.

Je suis chargée d'enseignement en droit pénal dans une fac de droit, quel intérêt pour eux, de me rejoindre à la plage, auront ils pris mon rendez vous au sérieux? Auront ils saisi l'intérêt?

Le jour J, le coeur battant je remontai la digue de Malo jusqu'au Casino: ils étaient là. Une petite quinzaine d'entre eux avaient fait le déplacement.

Pas forcément les "têtes de classe", pas forcément les plus loquaces.

Mais ils étaient là.

Comme ceux qui se sont levés debout sur leurs pupitres à la fin du film. 

Quand j'ai raconté cette anecdote à mes amis, certains m'ont dit "tu te la joues "cercle des poètes disparus"?"

J'ai souri. Je n'avais pas la moindre idée de ce dont ils me parlaient.

J'ai compris cet après-midi.

Devant le film, sous la couverture, en sanglots, j'ai compris, la comparaison est plus que flatteuse, mais ce qui se déroulait sous mes yeux, c'est ce que j'essaie à mon échelle, de reproduire dans mes cours.

J'aime enseigner, et plus que cela, j'aime apprendre, déceler en chacun de ceux que je rencontre, le potentiel, la capacité à émerveiller, le rebond nécessaire quand on croit que c'est fini.

J'ai lu des ouvrages, dont Chagrin d'école de Pennac, qui m'a beaucoup appris, mais n'ai nullement appris la pédagogie dans un cours ou une Université.

J'enseigne le droit depuis 5 ans, à ma manière, au feeling, et si parfois j'ai du hausser le ton, si parfois j'ai pleuré d'épuisement en corrigeant les fautes d'orthographe, les copies par centaines, j'ai aimé chaque année, chaque minute passée avec eux.

Ma tristesse de quitter l'Université à la fin de mes études a été compensée, en y retournant de l'autre côté du bureau.

Le déclic a enfin eu lieu. Pour atteindre de nouveau mon objectif (enseigner le français, la littérature) que je ne peux préparer sans franchir un dernier obstacle me reliant à ma vie d'avant, il faut que je valide la seconde partie de mon diplôme.

Voilà, c'est parti.

Mon désir, mon envie, que dis je ma passion dévorante pour l'écriture et l'enseignement, ont eu raison de mon talent pour la procrastination.

Un dernier pont à franchir.

Pour pouvoir monter sur un bureau un jour et faire sortir des coeurs et des tripes de mes futurs élèves, le meilleur d'eux-mêmes, humainement parlant.

Je reprends les cours à la rentrée, et maintenant je sais comment et pourquoi j'ai hérité de ma réputation.

Je suis ravie d'avoir pu quelques fois, aider ces jeunes gens en pleins doutes, en pleine recherche d'eux-mêmes, ravie d'avoir pu les éclairer, les accompagner, et je ferais tout ce qui est possible pour continuer.

Ce que l'on a au fond de nous doit sortir pendant que nous pouvons le réaliser, parler,  communiquer, ouvrir son coeur, non, ce n'est pas vain.

Il faut y croire, encore et toujours, il n'y a pas de bon ou de mauvais moment, d'âge, ou de situation qui puisse être un obstacle, à moins qu'on le décide.

J'ai envie de croire, que les poètes disparus réapparaîtront, à chaque fois que cela sera possible pour nous d'accepter de leur ouvrir les portes de nos coeurs.

Je vous embrasse.



Commentaires

Hélène T. a dit…
On a pas eu l'honneur de cette invitation nous autres de la Catho? :D ! Pourtant , je serai venue volontiers moi. Allez je vous en tiens pas rigueur , parce que vous lire est toujours un véritable plaisir. PS : j'ai honoré ma promesse de carte postale du Mexique. L'avez vous reçue ? Hélène.
Y a d'la joie! a dit…
je venais d'arriver à la Catho..... je n'aurai pas osé dévergonder trop de monde d'un coup :)
Toujours pas reçu ta carte, elle a pourtant sa place sur mon mur de cartes :) Merci de me lire! j'espère que les vacances furent à la hauteur de tes espoirs! A bientôt

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