Take This Waltz

Assise à la table d'un restaurant japonais, attendant que mon ami revienne de s'être lavé les mains, je regardais autour de moi quand un détail (pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup) me saute aux yeux.

A une table sur ma gauche, un couple était attablé.

Ils ne se parlaient pas.

Le silence total, pas le silence poétique des gens amoureux qui n'ont pas besoin de se parler pour se comprendre, qui se devinent en se regardant, qui n'ont besoin de mots que pour se dire des choses douces et vraies.

Non, je parle bien de ce silence qui à titre personnel me crispe, m'indispose, me met tant mal à l'aise que je dois partir quand mes mots tombent dans le vide intersidéral.

Il lui tenait la main, et mangeait de l'autre.

Elle, regardait dans le vague, son corps était là, mais son âme, ses pensées, elles, étaient loin....far far away....

Quand mon ami est revenu, je lui ai fait remarquer que cela doit être difficile de ne pas se parler du tout, de n'avoir plus rien à se dire, d'être là, deux inconnus face à face au bout du chemin parcouru ensemble, arrivés à une fourche où il était temps de se dire aurevoir.

Il n'a pas eu à chercher trop longtemps pour comprendre pourquoi je lui tenais un tel discours, et a ressenti lui aussi le silence pesant de la table de gauche.

De là est partie notre discussion sur les rapports humains, amoureux en particulier et ce quelque soient nos préférences de genre.

Que faire quand le silence s'installe?

Que faire quand l'autre que nous connaissons par coeur n'est plus l'objet du désir mais notre meilleur ami, ou pire notre colocataire?

Comment faire revenir le désir?

Et comment s'empêcher de porter notre regard ailleurs, sur des choses mille fois plus désirables par l'attrait du renouveau?

Certains essaient néanmoins, essaient de ne pas faire souffrir l'autre, essaient de lutter contre leurs envies, l'envie de vivre quand le feu de l'amour s'éteint.....

Et c'est ce qui est au coeur du sublime "Take this Waltz"de Sarah Polley.....

Dans ce film, beaucoup de lenteur, de silences, de plans tournés au ralenti comme pour montrer petit à petit la poussière qui s'installe dans nos coeurs quand la passion s'étiole, entraînant l'amour et le désir avec elle.

Quel autre but dans la vie de Margot que celui de vivre, d'aimer, de jouir, de sentir dans le regard, dans les gestes, dans les mots de l'autre, le même désir de vivre?

Ce personnage, magistralement interprété par une Michelle Williams éblouissante de sincérité et de beauté fragile, malgré les difficultés à quitter son présent, fait de complicité, de mots d'amour, mais dont elle sent que la matière première en est absente, fait la rencontre d'un jeune homme, qui s'avère être son voisin, au croisement des chemins de sa propre vie.

Ces deux-là se comprennent, s'apprivoisent, même si l'attachement de Margot à Lou est indéniable et qu'elle redoute plus que tout de le faire souffrir.

Un repas d'anniversaire de mariage silencieux, le même que celui qui se jouait prés de moi au restaurant japonais, a eu raison des efforts surhumains de Margot pour enfouir son désir d'évasion.

La lutte interne est dure, difficile, 5 années de mariage, sans histoire bien sûr, mais au fur et à mesure sans rien d'autre que des je t'aime, sincères, mais insuffisants......et un jour, après l'aveu de ces heures tourmentées, de ces tergiversations, Lou lui rend sa liberté.

C'est là que Margot reprend le cours de sa vie, et va au bout des choses, y compris au bout, on le devine, de son idylle avec Daniel, avec qui elle va concrétiser ce besoin de vie.

Et là, dans leur jolie complicité, dans leurs je t'aime à tout bout de champ, comme si le dire suffisait à recréer la magie des débuts, on entendait le mieux la signification de cette phrase.

Je t'aime, je m'aime dans ton regard, je m'aime dans ce que tu me renvoies de moi, j'aime ce que je vois dans tes yeux quand tu me regardes.

Un jour je ne vois plus rien, je ne me vois plus comme avant, et je suis triste, et cette tristesse me détache de toi.

Je vois de nouveaux yeux, dans lesquels je me vois si jolie, si neuve, si douce, si désirable....alors je suis ces yeux du regard, mais dans les tiens je ne vois que l'attachement, plus la vie.

Alors je ferme les yeux devant les tiens, pour les ouvrir là où un regard m'accueille pour creuser des sillons autour des miens, je revis, je renais dans un autre iris.....jusqu'à ce que la lumière m'y rende jolie, désirable, douce, vivante.

Quand la lumière se ternira, je chercherai sans doute, dans le miroir, mon regard, le mien, pour voir si j'y vois ce que j'aime y voir, si je me vois comme je voudrais être vue.

Voilà ce que ce film m'a inspiré. Ce que la poésie de ces images parfois impudiques, m'a amené à analyser.

Le silence peut être doux, poétique, reposant......ou bien lourd, gênant, embarrassant.

Je repense à ces deux là. Que s'était il passé?

En étaient ils arrivés à l'érosion des sentiments ou bien tout simplement étaient ils tristes pour une toute autre raison?

La chanson de Léonard Cohen revient dans mon esprit alors que Margot et Daniel se rejoignent, irradiant leurs visages respectifs de sourires de vie.

Danses cette valse.

Vas où ton coeur te mène, comme le dit cette publicité pour les voitures "si vous vous apprêtez à faire quelque chose sans amour, ne le faites pas".

Il y a toujours une forme d'amour en nous, même le pire des égoïstes est capable d'aimer (de s'aimer lui, ce que le commun des mortels ne sait plus faire du tout)

Ce film, ce couple à la vie, cette fille à l'écran, ce titre, ce n'est qu'une seule et même idée: vis.

Danses, vis, souris, pleures, ressens, mais ne perds pas un instant.

Tu douteras, tu seras silencieux, tu seras perdu, mais vas y, fais des choix.

La vie est là.

J'ai été bouleversée par ces images, par cette poésie, par ces phrases clés "ce qui est nouveau deviendra vieux" "j'ai peur des regrets"......et leur rendez vous en 2040 en France près d'un phare quand "je serai digne de recevoir un baiser de toi" quelle puissance....

Je vous recommande ce film, je vous recommande surtout de profiter de ce que la vie vous offre, et de ne pas vous empêtrer dans une relation, sur un chemin, sur des rails, qui ne sont pas les vôtres.

Regardez vous dans les yeux. La réponse à toutes vos questions est là, en vous.

L'amour propre n'est pas l'égoïsme, l'amour-propre est nécessaire pour se sentir libre partout, jamais enchaîné, jamais supplicié ou sacrifié.

Je reste persuadée que savoir être bienveillant envers soi-même permet d'ouvrir plus facilement et plus justement son coeur à celui  ou celle que nous choisirons pour le faire battre.....vraiment.

Je vous embrasse.

Et surtout n'oubliez pas de tomber amoureux.....



Commentaires

La Reine des Pâquerettes a dit…
Une nouvelle fois, tu poses des mots là où les sentiments et les émotions sont sibyllins. Ces silences, ou plutôt ce Silence qui s'installe, cette gêne qu'il procure et puis cette habitude, cette frustration... et finalement la résignation... Il n'a rien à dire... alors le Silence est le troisième membre du couple.... <3

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