In Your Hands

Grande question philosophique qui ne me quitte pas ces derniers jours: la solidarité est-elle un bien de consommation comme les autres?

Peut-on être solidaire par procuration devant son poste de télévision ou son écran de smartphone?

Quand j'ai découvert Une touche d'espoir il y a quelques mois, j'ai beaucoup réfléchi parce que je ne suis pas du genre à prendre un engagement à la légère.

J'avais toujours voulu faire du bénévolat, et je savais que si je m'investissais, ce serait durable, pas un phénomène de mode, ni pour faire bien;

Je voulais apporrer du réconfort aux plus démunis, comme un fil rouge dans ma vie, je suis devenue avocat pour les mêmes raisons, et depuis que j'ai mis fin à ma carrière, j'ai besoin d'aider les autres, de quelque manière que ce soit;

C'est dans ce sens que j'ai créé les cafés suspendus à Lille, pas pour faire mon intéressante, mais parce que peu de cafés le faisaient (deux!) sur Lille, et qu'offrir un café me semblait à la portée de tous;

Depuis, l'idée fait son chemin, la bibliothèque ambulante donnant accès aux cafés suspendus commence à prendre forme;

J'ai contacté Une touche d'espoir le soir de la création de Lille!Suspends ton café, pour que les sans abris (entre autres) soient prévenus, que l'asso fasse le relais.

Et puis j'ai décidé de les rejoindre. J'ai passé le pas, j'ai ressenti que c'était le bon moment pour moi, que j'étais reconstruite et qu'en conséquence je pouvais aller apporter quelques minutes de chaleur humaine à ceux qui deviennent invisibles sans pouvoir magique, ceux dont on ne veut pas entendre la voix, ceux qui sont sortis du rang.

Au cours d'une maraude, j'ai rencontré un jeune homme assez énervé devant le Cinéma dans une rue passante de Lille. Il m'expliquait que les gens avaient 11 € pour aller voir un film et même pas un sourire pour lui.

Notez bien, il ne parlait pas d'argent pour lui, juste d'un sourire, de considération, de chaleur;

Chacun est libre de donner ou de ne pas donner, chacun fait parfaitement ce qui lui plaît.

Mais de quoi se plaint le commun des mortels de ce pays? De ne pas être écouté! De ne pas être entendu, considéré, qu'on ne lui réponde pas! Qu'on ne s'occupe pas de lui, qu'on le délaisse, que son dossier complet ne trouve pas de réponse auprès des administrations, que les choses ne se débloquent pas assez vite pour lui. 

Vous voyez, eux dehors et nous dedans, c'est pareil, ce qu'on veut c'est être vu, être identifié, être entendu, obtenir une réponse, quelle qu'elle soit.

C'est plus facile, de donner cinq euros depuis le canapé par un numéro court au moment des déclarations de revenus..... c'est plus simple de ne pas se confronter directement à ces personnes qui souffrent du simple manque de considération de leurs semblables.

Pourquoi sont-ils dans la rue? Pourquoi travaillent-ils mais n'arrivent-ils pas à avoir un logement? Comment sont-ils arrivés là?Comment peut-on les aider? De quoi ont-ils besoin?

Beaucoup d'entre nous détournent le regard, sans même répondre à un salut, sans se poser la question, en s'imaginant peut-être à l'abri. J'ai discuté avec un de ces jeunes, titulaire de deux CAP, de nationalité française mais ayant perdu ses papiers d'identité, et donc, sans possiblité de travailler de façon déclarée, sans famille, loin de tout ce qui l'avait vu grandir.

Dans les périodes sombres de mes jours en robe noire, je m'imaginais à leur place, je le craignais même.

Et depuis que j'ai remonté la pente, que tout va mieux, je n'ai pas peur de dépenser 3 euros pour un sandwich et une bouteille d'au, ou un petit pain.

Suis-je un exemple? Je ne crois pas être meilleure que qui que ce soit. Je ne peux répondre aux sollicitations de tous ceux que je croise dans la rue, tous ceux qui renient leur dignité pour tendre la main et espérent être aidés.

Je n'ai pas les moyens d'ouvrir un centre d'hébérgement collectif solidaire, je ne suis pas mère Theresa, je ne suis personne d'autre que vous.

Oui, une nana comme les autres. Mon objectif en m'engageant solidairement n'est pas de sauver le monde mais d'aider les gens à se sauver, et pour cela, peut-être, faut-il commencer par tendre la main de quelques centimètres supplémentaires.

Alors pourquoi s'engager dans les asso?

Pour une question de citoyenneté. J'ai la prétention de croire en l'humain, encore, malgré les preuves quotidiennes du côté utopiste de ma démarche.

Et là aussi, parfois, on me surprend. S'engager oui mais que recouvre ce verbe? Suivre ou changer les choses? Attendre que les choses soient faites par d'autres et souscrire à leurs efforts, ou bien prendre des initiatives et donc, réaliser des choses communes pour l'intérêt général?

Mon attrait pour la démocratie participative accroit à mesure que j'y participe activement.

Je constate que beaucoup veulent du changement, mais que peu veulent agir pour que ça change.

Sur les réseaux sociaux, je vois beaucoup de dizeux et moins de faizeux que je le souhaiterais.

Pourquoi? Parce qu'agir fait peur. Agir c'est comme changer, ça fait flipper, c'est difficile de revenir en arrière, et d'autres penseraient qu'on veut la ramener et se mettre en avant.

Oui, agir, c'est se foutre de ce que les gens disent, parce qu'au lieu de parler, il faudrait faire davantage.

Au lieu de se contenter de critiquer, il conviendrait de balayer devant sa porte et d'expliquer pourquoi on pense avoir trouvé une solution, parce qu'elle fonctionne pardi, parce que bien sûr on a essayé de faire bouger les choses, sans se contenter de dire "ah toutes façons ça marchera jamais quelle idée idiote! " ou bien "c'était mieux avant" Ok: Pensez vous avoir une meilleure idée? Comment la mettriez-vous en place? Qu'avez-vous fait pour que votre confort soit préservé? Et pourquoi trouvez-vous que la nouvelle façon de faire est mauvaise?

Le taux d'abstention aux différentes élections, qu'elles soient municipales, régionales ou même présidentielles, est souvent proportionnel aux nombreuses critiques recensées (et sans doute dans une langue phonétique proche de la nôtre) sur les différents réseaux sociaux, la nouvelle arme de destruction de la citoyenneté.

Car il semble plus facile de critiquer derrière son écran assis dans son bon gros fauteuil au chaud, les différentes initiatives, bonnes ou mauvaises, prises par d'autres, qu'on gratifie de quelques insultes gratuites au passage, plutôt que de quitter ce bon fauteuil, ce confort et aller mettre les mains dans le cambouis.

De même qu'il semble plus aisé de rester derrière le troupeau que d'inventer une nouvelle façon de travailler ENSEMBLE.

Ma conception de la citoyenneté est sans aucun doute archaïque, trop ancienne et peu encline à la consommation de masse car j'estime nécessaire sinon urgent, en tant que citoyenne,, de faire des choses à tout point de vue, pour que le monde soit plus agréable à vivre, et à un niveau plus petit, la région, la commune, le quartier, la rue, l'immeuble.

C'est pour soi et pour les autres, c'est pour cette vie en collectivité qui nous est chère, c'est pour les humains, les êtres vivants, la terre , les choses qui nous sont données par chance que nous devons nous réveiller.

Et ce réveil ne peut se faire qu'en réévaluant ses priorités.

S'engager auprès d'autres personnes c'est sortir du confort, c'est sortir de la facilité,  pas besoin de donner mille euros ou de vider sa cave, pas besoin d'être omniprésent, juste être là, de temps à autre, par roulement, être digne de confiance, participer, à son niveau et à sa manière.

C'est investir deux euros par mois pour la collecte de denrées alimentaires, c'est donner quelques heures de son temps, au lieu de regarder la télé, c'est se prendre la flotte momentanément  pour aider ceux qui vivent en dessous chaque jour, c'est créer de la solidarité où il n'y a que de la haine et du rejet.

La liberté d'expression chère à mon coeur, n'est pas incompatible avec une nécessaire réflexion, si possible avant de s'exprimer.

Car Internet n'oublie ni n'efface. Le monde, si vous décidez qu'il est temps pour vous de le changer, lui, sera éternellement reconnaissant d'une initiative, tant qu'elle est faite avec bienveillance.

Le colibri fait sa part, chacun doit faire la sienne.

Sortir de la surconsommation, sortir de la facilité, sortir de chez soi, aller vers les autres avec bienveillance, doivent redevenir des actions évidentes, loin des prêts à mâcher et des chèques en blanc faits à d'autres pour aller de l'avant. 

On va tellement plus loin à plusieurs.

Et puis ça rend tellement heureux, d'être solidaire.

Je vous embrasse.






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