Hyper Hypo

Vous savez, on m'a souvent dit que j'étais "too much". C'est sûr par rapport à la majorité des gens, je suis une petite boule d'énergie, et ça peut -je le concède- déstabiliser les gens.

Récemment j'ai réussi à mettre des mots sur ce que je ressentais: j'ai l'impression récurrente de danser dans un cimetière. Mon ostéo m'avait dit cette phrase au tout début de notre rencontre "certaines personnes sont décédées mais ne le savent pas". J'ai mis un certain temps à comprendre, à intégrer et à digérer cette phrase, pour réaliser qu'en réalité c'est ce que je vivais.

Perpétuellement en mouvement, toujours en train de faire plusieurs choses en même temps, jamais rassasiée de la vie; ressentant une certaine urgence à faire les choses, comme si je manquais perpétuellement de temps: je suis hypothyroïdienne. Vous savez, la thyroïde, ce petit papillon, ce chakra puissant que nous avons au niveau de la gorge, et qui régule non seulement les hormones mais aussi les émotions? Voici mon histoire. (t'entends le jingle là, ah oui?)

Pendant plusieurs décennies, j'ai vécu dans l'illusion. J'ai cru être privée de cela, mon corps a enregistré cette information, donnée par le corps médical. J'ai donc commencé mon existence condamnée: "Madame, Monsieur, votre fille ne connaîtra aucune évolution. Elle sera amoindrie, intellectuellement et physiquement." Première erreur les copains: déjà je suis là, et puis....je suis diagnostiquée enfant "précoce", mini-zèbre. A cinq ans, les gens qui m'ont condamnée découvrent que je suis un enfant à haut potentiel. Mmh. Alors? Pas trop dur de reconnaître ton erreur doc? 

Donc, là, c'est un hasard médical. D'où vient mon hypothyroïdie? Un accident de la vie durant la grossesse de votre mère me dit 20 ans plus tard, le spécialiste qui s'est occupé de moi, et m'a administré un traitement, appelé "Lévothyrox", encore à son ère expérimentale sur les nourrissons à l'époque de ma naissance. Mon évolution? Incroyable, vu que mon hypothyroïdie a été découverte après le "délai sans séquelles de 15 jours après la naissance". Perso 16 jours. après YOUPI.

Donc, je prends un cachet, on équilibre mon apport en hormone de "croissance", durant des années, on suit mon évolution, on prend mon sang, on vérifie. Je suis un cas de laboratoire comme d'autres. Mais visiblement je n'ai pas de thyroïde. Ah bon. Ok.

Puis vient l'âge pré adulte:  après avoir eu des cycles irréguliers et douloureux, on me prescrit une nouvelle pilule magique.....qui me fait rapidement prendre un poids de maboule. De la jeune fille taille 36-38, je passe au bon 40 en un été. De ma petite poitrine gentille (85 B)  je passe aux obus, (95 B) ce qui me fait peur, et me vaut des questions de copines de lycée "tu as fait de la chirurgie ou quoi?"  Eh non. Hélas, je n'ai rien demandé. J'ai 21 ans. Un an avant, ça allait. Je le sais, il  y a des photos pour ça. Merci Nicéphore.

Aujourd'hui, j'en parle, parce que j'ai retracé les événements, selon cette technique infaillible: l'axe du temps. Quand tu revois ton évolution, cher lecteur, à la lumière d'événements nouveaux, tu réalises que tu ne savais pas tout, loin de là.

J'ai donc pris du poids. Mais s'il n'y avait que ça. J'ai changé d'humeur, vacillante, tantôt euphorique, tantôt triste et mélancolique. Mais ma prise de sang est "normale". Bon, si tu le dis hein. Alors je grandis, et mes cheveux, précédemment épais et massifs, s'effilochent jusqu'à devenir vraiment filasses, assez violemment. C'est mon époque de transformations capillaires: tu sens que c'est le bordel, alors tu essaies de pallier à ce qui te manque pour aller bien. (Noir reflets violine, si tu me lis, sors de ma vie pour toujours, mais merci quand même d'avoir égayé mon quotidien)

Evidemment, ma vie personnelle, pas simple, n'arrange pas les choses mais je tiens bon (et on ne sait pas comment? Ah si, j'écris) Compliqué de se concentrer, quand j'étais une bonne élève jusqu'alors, je rate des exams, je passe les rattrapages, je retape des années. Bon c'est vrai le droit c'est pas super funky. Mais si physiquement c'est compliqué, qu'émotionnellement c'est le grand 8, il me reste quoi si même intellectuellement c'est pas fou? Hein? Je vous le demande ma bonne dame.

Mon changement contraceptif change en 2005, quand je viens vivre à Lille. Une photo me fait vriller. (Encore merci Nicéphore sans déc') Je prends les choses en main. Nutritionniste, Endocrinologue, Psy. Hop hop hop, on régule. Et puis mes prises de sang sont normales. Toujours normales. Et je passe du rire aux larmes, mais je suis une femme c'est normal hein, c'est les hormones.  Mmh. Si tu le dis.

Mon métier m'épuise, vous le savez déjà. Je suis triste, mélancolique. Je grossis après avoir maigris. Inexorablement. Je grossis à vue d'oeil. Déménage, change de coupe, change de fringues, change de mec, change ce que tu veux meuf, un jour tu fais 115 kg, t'as presque plus de cheveux. Mais tes taux sont normaux. J'sais pas ce que t'as. T'es stressée? Bein si, forcément t'es stressée, t'as des symptômes de gastro qui durent des mois. C'est le stress,c'est sûr, détend-toi.

1er avril 2010: coucou c'est moi! La colique néphrétique! Tu me kiffes? Nan? Tiens si j'appuie là? Eh non, c'est pas une blagueeeeeeee! Découverte que tu as un corps. Qu'il serait temps de t'en occuper. Trois semaines au Québec, jambes et pieds surgonflés. Disons que c'est l'avion. Disons que t'as ptet un problème de pieds en forme de paupiette. The Ultimate Paupiette. Résolution: faut que ça change! Retour en France, retour au boulot, retour à la "normalité" de mes prises de sang. Ok.

Ostéo: nom masculin qui me sauve la vie en 2013. En 2012, toi même tu sais lecteur, j'ai eu un gros choc, et la révélation de ouf: la mort vient quand elle veut, même quand t'es pas vieux. L'ostéo découvre un chantier de fou quand il me rencontre. Il met fin à mes symptômes de gastro (qui sont dus à une sévère intolérance au gluten. Bon. Ouais je comprends t'as les boules de pas l'avoir découvert avant lui. Moi, ça va juste mieux donc qui l'a découvert je vais te dire je m'en claque) Les kilos s'envolent. 32 en tout. Pas mal hein? Mes cheveux et mes ongles repoussent correctement. Je ne tombe plus. Je change de boulot, de vie, de décor, d'alimentation. Oui je te l'ai dit, lecteur, je change beaucoup, ne sois pas surpris.

J'avance, j'avance. Et puis je me sens mal, pendant 16 jours d'affilée, en 2015, la même chose en 2016 en avril, même période. J'ai du mal à me tenir droite, ma tête part en avant ou en arrière, je me sens caoutchouteuse, nauséeuse. Ma prise de sang est ? Bravo. Normale. Mais moi ça ne va pas trop. En désespoir de cause, vu que rester debout est compliqué (et que je bosse dans la vente!) j'écris un sms à mon ostéo. Qui me rappelle et me dit cette phrase incroyable : "super, votre thyroïde redémarre". T'aurais vu mon visage lecteur! Un point d'interrogation géant. "bein non hein, c'est pas possible j'en n'ai pas" . Deuxième effet kiss cool? Sa réponse : "ah ouais? Vous avez une preuve?"

Illico coco j'en parle à mon endocrino qui évidemment, me rit au nez et refuse de me prescrire une échographie de la thyroïde. Qu'à cela ne tienne, je quitte les lieux, et vais voir un autre médecin, qui accepte. L'écho a lieu, facétie de la vie, un 1er avril. Fébrile, je me tords les mains. Pourtant je sais au fond de moi qu'il se passe quelque chose de nouveau, qu'il y a un espoir. Que je touche à un but inexploré. Dans la salle d'échographie, le médecin est silencieux, impassible, en regardant les clichés. Elle ne dit rien du tout. "vous voyez quelque chose?"  je parle d'une toute petite voix, j'ai peur tellement peur qu'elle dise non. "eh bien, oui voyons, que voulez-vous que je voie sinon votre thyroïde?" i WHAT???? ma QUOI? "votre thyroïde madame, c'est bien ce que je suis censée voir non? vous vous attendiez à quoi en faisant une écho de la thyroïde?"  Ben à rien meuf, puisque j'étais censée pas en avoir....."bon elle est petite, minuscule hein, mais elle est bien là, comme tout le monde quoi".

Elle me regarde avec un tel air éberlué que je me retiens de l'embrasser. J'écris un SMS à l'ostéo: gagné. Un 1er avril, et c'est même pas une blague (bis) 

Du coup, on refait des analyses (normales t'as compris le coup) même si de 2,20 µg ma TSH passe à 5,05 µg puis redescend à 0,6µg en trois mois de temps. Mon poids stagne, mon humeur est down down down, mes cheveux ne sont pas ouf, MAIS mon coeur et ma tête sont gonflés à bloc. Je me documente sur l'hypothyroïdie, je veux comprendre. Je découvre un médecin qui officie à Waterloo, en Belgique, un ponte en la matière, THE specialist, mais j'ai pas les moyens d'aller le voir. Pas pour le moment. Il écrit dans son livre "En finir avec l'hypothyroïdie, pourquoi je vais mal malgré mon traitement"  que d'autres traitements existent, qu'on peut s'en sortir, qu'on peut guérir. Je m'en doutais! C'est évident! Ouvre tes chakras Laurette, va voir ailleurs, ne reste pas figée sur ton cas en France, va plus loin! Comment font les autres personnes dans ton cas ailleurs? Je demande à consulter mon dossier médical au CHR, je retrouve le spécialiste lillois qui s'occupait de moi depuis ma naissance, à la retraite. Il ne me croit pas,ne me prend pas particulièrement au sérieux, mais me rassure sur UN point: ce n'est pas héréditaire dans mon cas. A la même période,je réalise, avec ma psychologue (oui celle de 2005, t'as suivi c'est cool!) que je suis une adulte à haut potentiel, un zèbre. C'est comme ça que je peux remettre les pièces du puzzle dans le bon ordre. Je suis différente, mais c'est pas grave. Au moins, je comprends plein de trucs. Et ma bougeotte aussi. Et toi aussi du coup, lecteur. 

A partir du moment où j'ai digéré l'info, je vais voir l'ostéo qui débute des manipulations au niveau de l'hypophyse et de la thyroïde. Je suis pleine d'énergie, à nouveau. C'est cool. Je reprends force, je passe un examen, à 35 ans passés, et le réussis, alors que je travaille. Estime de soi? Bienvenue à toi. Equilibre thyroïdien, bien revenu parmi nous. Je fais des choix, je les assume, j'avance dans la vie, encore, toujours. C'est sympa.

Et soudain, en mars 2017, le laboratoire MERCK change la formule magique de son médicament magique pour soigner l'hypothyroïdie (parce que même si j'ai une thyroïde elle est petite, donc on poursuit le traitement. Comme dirait le médecin biologiste qui m'a fait les analyses après ma découverte "il faut la muscler un peu" ) Alors ils ont remplacé le lactose par le mannitol  Un truc super sympa avec presque pas d'effets secondaires. T'as qu'à voir les 160 000 signatures de la pétition pour qu'il soit retiré et les deux millions d'appels au numéro vert qui a été mis en place par les Autorités. LOL ça rime nan? Quels sont ses effets indésirables? Euh...."Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés au cours ou après la perfusion de mannitol (mannitol (injection de mannitol) injection) comprennent: congestion pulmonaire, déséquilibre hydro-électrolytique, une acidose, une perte d’électrolytes, sécheresse de la bouche, soif, diurèse marquée, la rétention urinaire, œdème, maux de tête , vision floue, convulsions, nausées, vomissements, rhinite, douleurs dans les bras, nécrose cutanée, thrombophlébite, des frissons, des vertiges, de l’urticaire, une déshydratation, hypotension, tachycardie, fièvre et l’angine de poitrine, comme des douleurs thoraciques." C'est étrange comme ça ressemble à ce que disent ressentir les gens qui se plaignent. Curieux....! Ou pas. Moi-même dès les premières prises, j'ai commencé à me sentir chelou. Le pharmacien m'a indiqué que quelque chose avait changé, il est cash, il ne va pas me dire comme d'autres l'ont fait, que "l'emballage a changé, ne vous inquiétez pas". Nan, le mien c'est un bonhomme, il me dit la vérité. Bon, au bout de deux bons mois, outre le fait que j'aie pris du poids (grrrrrrrrrrr) et que je ne vois plus rien du tout à basse luminosité, que ma vue se trouble, et que ma gorge se serre, et que j'aie toujours soif (mmh? ah non rien à voir non) mon corps commence à s'habituer au grand manitou. Pis en fait je grossis quoi. Je gonfle. Mes pieds, mon ventre. Déjà que c'est pas jouasse d'habitude, qu'il me reste 15 kilos à perdre, là c'est n'importe quoi. Comment j'en prends conscience? Encore ce Nicéphore! Un shooting photo me fait découvrir mon corps entier (oui souvent je me regarde d'en haut, pas de face en entier, ça doit être dû à ...jsais pas à quoi, ma connerie sans doute?) Et puis cette humeur "jsais pas c'que j'ai". Eh....et si c'était le mannitol? Et si j'essayais un autre truc pour voir? 

Alors on essaie un autre truc pour voir. Comme dans le livre du Médecin de Waterloo. Pour voir. ....et en fait, j'ai une patate mon pote! Un peu chaud, mais en pleine canicule, dur de savoir si ça a un rapport. Ceci dit, je vais bien, et je suis là pour écrire cet article. Je dors normalement, mes cheveux ne tombent pas, mes dents non plus. Mon coeur bat, et je suis de bonne humeur. Plus décidée, moins peureuse, plus réactive, moins ballonnée, moins fatiguée au réveil, voire plus fatiguée du tout si je dois être très honnête. Je ne fais pas ça en free style, qu'on se rassure. Je suis suivie. Je ne mettrais jamais ma vie en danger. Mais je ne m'empoisonnerai pas non plus croyez-moi.

Tout ça pour dire.. que tout est une question d'ouverture et d'équilibre. Longtemps enfermée dans mes peurs, longtemps pétrifiée dans mes certitudes, je n'ai pas cherché plus loin. Je n'ai pas cherché à savoir qui j'étais, comment j'étais faite, quelles étaient mes spécificités mes caractéristiques, comment fonctionne mon corps. J'ai remis mon corps entre d'autres mains. J'ai fait confiance parfois en contradiction totale avec mon ressenti. J'ai trahi mes émotions et mes intuitions. Aujourd'hui, j'apprends, j'expérimente -sans prendre de risque inconsidéré- j'écoute ce corps tant de fois malmené par manque de connaissances. Jusqu'à ce que je me sente vraiment mal et que je pose vraiment des questions. Mieux vaut tard que jamais. Vu ce que j'ai appris depuis, je suis d'accord avec vous.

En lisant le désarroi des milliers de gens dans un cas similaire au mien, je me dis que ces personnes ne sont pas hypocondriaques,menteuses, affabulatrices. Moi aussi j'ai alerté mes amis concernés, quand j'ai senti les premiers changements après la première prise de la nouvelle formule. Moi aussi j'ai eu peur quand j'ai vu il y a quelques années une "rupture de stock du lévothyrox" sortir dans les journaux. Mais maintenant, je n'ai plus peur. Le corps humain est magnifiquement fait. Suivons nos intuitions, allons consulter des médecins qui nous écoutent, nous touchent, nous palpent, nous prennent au sérieux.

Ma tante n'était pas dépressive, elle avait un cancer de l'estomac. Ma mère de coeur n'était pas fatiguée, elle était en hypothyroïdie, ma grand-mère de coeur n'avait pas besoin de chimio, elle avait une cicatrice sur le foie et aurait pu, peut être, à 85 ans, éviter une telle violence. médicamenteuse, avant de mourir. Ecoutez votre corps, prenez plusieurs avis médicaux quand vous n'avez pas les réponses que vous cherchez, notez les changements que vous constatez, soyez attentifs, ne vous perdez pas dans Doctissimo.fr, ayez confiance en la vie. Il y a d'excellents médecins, qui connaissent parfaitement leur métier: soigner le mal. Mais votre meilleur médecin c'est votre corps. Tous ces médicaments que l'on prend à tour de bras, cette auto-médication au moindre symptôme, c'est contre-productif. Un symptôme est un message de notre corps. une "mal-a-dit" il nous dit des choses, nous envoie des messages. Sachons les écouter, en comprendre les causes, en réduire les effets néfastes. 

S'aimer, ce n'est pas seulement être attentif à ses émotions, c'est aussi écouter son corps. Les deux ne font qu'un. C'est une question d'équilibre.

Je ne suis pas médecin, je ne suis pas gourou, je ne suis pas psy. Je suis simplement humaine. de passage sur cette Terre, sans connaître ma propre date de péremption. J'apprends chaque jour, j'ai la curiosité d'essayer de comprendre mon corps et de ne plus m'arrêter à l'apparente "normalité" 

Rien n'est figé, sauf la mort. Inexorable, c'est là que nous allons. Faisons en sorte de rendre le chemin intéressant et serein. Quitte à être hyper sociable, hyper connecté, hyper sensible, hyper actif, hypothyroïdien ou pas, quitte à être qui l'on est, tout court.

Je vous embrasse.



Ps: les liens vers les livres dont je vous parle sont dans l'article :)

Commentaires

Pam a dit…
Un article au top !! Je t'adore mon petit zèbre 🖤 te lire redonne la pêche !
Belle journée à toi, à bientôt Sylvie.

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