Superficiel et léger

Ce retour dans la ville que j'ai tant aimée me faisait plus peur qu'envie et j'ai dû développer des trésors de calme et de patience pour tenir le coup le mois qui le précédait.
Le week-end dernier je suis revenue faire un tour dans la capitale des Flandres à l'occasion de ma remise de diplôme. 
"Intronisée" journaliste, j'ai aussi revu ma grand-mère, mon père, mes cousines et neveu et nièce. Marché sur les pavés, revu des lieux communs et familiers et ce je-ne-sais-pas-à-quoi-je-m'attendais ou plutôt ce que j'appréhendais, à la lettre A comme amitié.
Et ça s'est passé exactement comme je le redoutais. J'ai cru aux messages qui disaient "tu me manques", "je pense à toi", "vivement qu'on se revoie", j'ai cru à ce que j'ai toujours placé si haut sur l'échelle des valeurs de la vie.....J'ai organisé un repas, réservé un restau, réuni quelques personnes grâce aux nouvelles technologies. Bien entendu, les annulations ont plu, du verbe pleuvoir parce que du verbe plaire il faudrait presque être sadique pour en tirer un quelconque plaisir. 
Bien sûr, nous étions 5 (dont 4 précieux scintillants de préciosité) autour de la table et mon père a joué le 6ème mousquetaire. Sans me déterminer 8ème merveille de l'univers, j'ai cru que le temps n'avait rien changé et que les mots qui m'avaient été envoyés étaient sincères. Vraiment. 
Alors j'ai serré les poings, les dents, les larmes, et......j'ai aussi délesté ma vie d'un poids.
Partir à l'aventure, quitter le navire et la zone de confort, je l'ai fait tant de fois déjà en cinq ans.... Quitter mes piliers, croire aux promesses, persuadée que les choses resteraient sans doute les mêmes malgré la distance, porter le poids d'une petite culpabilité, celle de croire en sa chance, d'aller voir ailleurs, tout en croyant que rien ne changerait, que je donnerais tort à mon cher magicien, pour une fois...qui avait encore raison! Bon sang comment fait-il?? Comment faites-vous? :) 
Je sais faire la part des choses, la part des priorités, la part des gens. Je sais tout entendre, tout encaisser, tout supporter, mais là euh... visiblement pas tout.

Et ce week-end a eu lieu. Avant, l'appréhension, pendant, la tension, après, la tristesse. J'ai senti que j'étais très triste quand je me suis vue bombarder mon ami préféré de messages comme si j'avais dix ans. J'ai posé loin mon téléphone. Je suis allée marcher sur la plage, j'ai pleuré en silence, j'ai eu mal, j'ai soufflé. Et j'ai mangé une glace. (L'enfant de dix ans a donc calmé sa petite crise et l'adulte responsable que je suis a repris une activité cardiaque normale)

Une semaine plus tard, j'ai compris. Ce passage obligé. 
Là-bas, j'ai eu le vertige, l'impression d'être hors de mon corps dans une ville que j'ai adorée et qui m'a portée tant de temps.
Ce vertige, il était dû à mon immobilisme, quand j'y vivais. A ces choses qui n'avançaient pas. A cette vie étriquée où je ne me sentais plus moi.

J'ai revu se dessiner mes montagnes, j'ai ouvert la vitre du blablacar, senti l'air doux, entendu les clapotis du lac. Je me suis sentie libre. Libre comme rarement je l'ai été. 

Je suis rentrée à la maison, accueillie par mon chat. 

Après quelques jours, quelques douches arrosées de torrents de larmes, la tristesse a cédé la place au réconfort d'être ici, comme devant une grande toile vierge où tout est encore à dessiner. 
Étrange paradoxe de l'expat' qui croit retrouver ses marques et finalement réalise qu'il n'est plus chez lui vraiment, là d'où il est parti. Sentiment surprenant et pourtant bien réel d'avoir fait miennes des montagnes lointaines il y a encore quelques temps. Comment aurais-je dû m'y prendre? Comment m'y prendrais-je la prochaine fois? Qui aurais-je pu/dû prévenir? Comment les choses se seraient-elles passées? On en sait rien et on s'en fout. C'est comme ça que ça devait se passer, et je ne remonterai pas avant quelques mois. De l'eau coulera sous les ponts et le temps fera son travail. En attendant, les liens ténus sont rangés, les liens durables renforcés et j'ai encore grandi (même si physiquement ce n'est pas notable ;) ) 

Quatre mois se sont donc presque écoulés et je suis ici chez moi. Je ne pensais pas que ça se ferait si vite, je ne pensais pas que j'irai si loin au fond de moi pour puiser ces nouvelles ressources.
Et pourtant il y a maintenant de la place pour m'investir dans ma ville, dans ma vie pro, dans mes amitiés, précieuses, salvatrices de ma sensibilité et de ma personnalité, ici, aussi, surtout.

Il fallait donc passer par là, encore cette étape, encore une petite claque, un petit coup à l'âme, un petit bleu au coeur. Inattendu ou presque, devenu finalement, superficiel et léger.

Je vous embrasse.



Commentaires

Krysten a dit…
Tes mots ou devrais je dire tes ''maux''résonnent en moi avec beaucoup d'émotions.J'ai aussi fait le choix d'une autre vie et je croyais que je comptais un peu dans la vie des gens que je pensais être des amis et qui me disaient que j'allais leur manquer.Et finalement...loin des yeux...loin du coeur!Cela permet de faire le tri et de ne garder que l'essentiel mais ce que ça fait mal de retour sur terre.Mais délestées,nous pourrons sans doute mieux nous élever��������

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