Un an, jour pour jour

Il y a un an, jour pour jour, je traversais la France pour un mois, un stage obligatoire dans le cours de ma formation à l'école de journalisme que j'avais choisi d'effectuer à Annecy, pour passer un peu de temps avec des gens qui me sont chers, principalement. On devait partir hors de notre région d'origine, et j'ai trouvé un hebdo, rue Sommeiller, "l'essor savoyard". 

Quel nom prédestiné....! C'est bien ici que j'ai entamé mon propre essor savoyard! Mais avant de partir de Lille, je sanglotais dans les bras de mon amie Caterina, apeurée de ne pas réussir à tenir le coup, tant j'étais physiquement affaiblie, reprenant un nouveau traitement pour rééquilibrer ma thyroïde, après des mois à lutter contre les douleurs et le stress. Un stress permanent, une peur de l'extérieur, une peur panique de ne pas réussir des choses élémentaires, une peur chronique de ne pas m'en sortir tout court. Et Caterina qui me disait "je sens que c'est positif pour toi, je sens que de bonnes choses t'attendent" tandis que je l'espérais de toutes mes forces, sans oser trop y croire.

3 février 2018: je monte dans le train à Lille Europe avec mon énorme valise, je laisse mon petit chat, mon appartement glacial que j'avais tenté d'édulcorer et pars, la peur vissée dans la gorge, à l'assaut ralenti d'une destination qui pourtant ne m'était pas inconnue. J'en avais passé du temps, à Annecy. J'avais traversé ses rues de long en large, ses canaux, ses hauteurs, sa clinique, ses bords de lac. Je n'étais pas dans un état d'esprit d'aventure. Je partais découvrir un métier, je partais pour me retaper et me faire chouchouter, je pensais encore que j'allais peut-être réussir à finir ma formation et tenter de reprendre le cours de ma vie une fois diplômée.

A mon arrivée sur le quai de la gare, ce samedi 3 février 2018, je me faisais peur. Ralentie, épuisée, en vrac, une sorte de Kandinsky en kit trouvé chez Ikea. Carmela me voit, elle-même saisie par cette vision de moi. En vrac donc. Le dimanche, on fêtait l'anniversaire de Léana, je planais à quinze mille, après une démonstration de produit miracle dans un hôtel qui nous offrait aussi le repas, surréaliste.

Le lundi 5 février, vers 8h30, j'étais attablée au Regann devant un café serré. Je scrutais les visages, j'essayais de savoir si parmi les habitués il y avait des futurs collègues, je scannais le quotidien, pour trouver des sujets. Et puis, l'heure approchant, je suis rentrée dans Bonlieu, j'ai regardé autour de moi, j'ai demandé à un des rares passants où se trouvait le journal, j'ai traversé le hall, le petit parc, la rue jusqu'à la rédaction. Et j'ai sonné. Je me souviens que l'accueil était chaleureux et que j'ai de suite prévenu que ce serait compliqué pendant quelques jours, le temps que je me réadapte au traitement. Je suis allée déjeuner avec Isabelle et nous avons discuté. J'ai rencontré l'équipe, j'ai rencontré une douceur incarnée, et le staff, presque au complet.

Je sais que ces moments sont importants, parce qu'ils m'ont fait du bien. Rencontrer des adultes, après des semaines passées au cœur d'une colonie de 13 petits jeunes de 20 ans en moyenne à l'ESJ, m'a rassurée sur ma place au sein de ce nouveau métier.

Le soir, j'étais contente, je suis rentrée pleine d'entrain, même si encore à deux à l'heure. J'étais bien. Le lendemain, j'allais rencontrer une de ces personnes solaires et extra-ordinaires, comme on en rencontre peu dans une vie. Une évidence que nous nous connaissions depuis toujours, une connexion intellectuelle, d'abord, et de sensibilités ensuite, une révélation amicale et licornesque. Le 3 février 2018, quand je suis montée à bord du TGV pour Lyon, en larmes et en nœuds, j'ignorais tout de ce moment-là, de cette tornade qui m'a aidée à reprendre confiance, à retrouver la gnaque, à mettre les pièces dans l'ordre dans ma tête et dans ma vie. Une énergie quoi, un ouragan de lumière. Bien, bien bien. Un an plus tard, jour pour jour, je bénis ce départ, je me félicite d'avoir surmonté mes peurs. Ici, j'ai trouvé un lac régénérant, un environnement aimant, des gens attentionnés, un ami et allié, des copains bienveillants envers moi et bien sûr, de petits villages en moyennes villes, j'ai trouvé un cocon.

Quelques jours plus tard, j'allais déjà beaucoup mieux, je marchais plus vite, j'avais moins de vertiges, j'étais de retour dans mon corps. C'était mon anniversaire et j'ai vu débarquer plein de nouveaux visages, pour une réunion de chefs d'agence en présence du PDG. J'avais ramené des petits pains, j'espérais que cette ambiance joyeuse perdurerait toujours, j'ai cru que c'était partout et tout le temps comme ça, j'ai voulu y croire. J'ai commencé une longue conversation épistolaire infinie, j'ai appris à déchiffrer des attitudes, j'ai déclenché des fous rires face à un mur en crépis et me suis fait livrer des bo buns dans la neige. J'ai pris des bus et conduit une voiture floquée pour découvrir Sévrier et Talloires, j'ai pris mes missions à cœur, j'ai reçu une proposition (un peu trop orale mais bon soit) et j'ai kiffé. Franchement, j'ai kiffé, chaque jour au cours de ce stage où j'arrivais au boulot à 8h30 pour en repartir dans les derniers, j'ai adoré le partage avec mes nouveaux collègues amis, j'ai surkiffé le ciné, le shopping, les verres post-boulot. J'ai repris goût à la vie en buvant des thés et en me laissant apprivoiser dans le bureau du fond, j'ai ri à la soirée de la presse organisée par la mairie, j'ai réappris à vivre. 

Un an. Tant de choses changent en un an. Je vis ici maintenant, il neige dehors et Bianca dort à mes pieds. Si certaines paroles sont restées en l'air, les liens véritables se sont consolidés, les amitiés se sont affirmées, j'ai partagé les joies et les peines, j'ai vécu des révélations, écrit des kilomètres d'articles, vu du pays, reçu ma carte de presse, interviewé des gens connus et inconnus, restauré mes limites et ma confiance en moi, trouvé un sens à mon changement, bref...ma vie a changé en mieux en vrai, physiquement j'ai retrouvé la joie de vivre, et je me sens aimée, appréciée et utile. Bien quoi.

Les points d'étape, c'est important je trouve. 

Nous y voilà. Ce n'est pas toujours facile et ça ne l'a pas toujours été. Mais je sais ce dont je suis capable, alors rien ne me fera peur, désormais.

Pour le moment, je suis là, à Annecy-le-Vieux, au bord du lac, encadrée par les montagnes.

Alors profitons-en tant qu'il est temps.

Je vous embrasse et vous remercie de me lire! Presque 80 000 :) 

Prenez soin de vous, et n'oubliez pas de vivre, malgré la peur, allez vous rebondirez!


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