Simple

Des pérégrinations qui émaillent mes jours et mes nuits, l'une d'entre elles m'a fait l'effet d'un atterrissage complexe après un vol aux nombreux trous d'air et perturbations atmosphériques. 

Il y a quelques jours, je suis allée dans le Nord, en avion. Les vols se sont bien passés mais le retour a été tumultueux. Et à l'intérieur, j'ai découvert, aidée pour cela par mon magicien attitré (vous voilà affublé d'un titre mon ami) que j'avais une nouvelle étape à passer. 

Neuf mois ici, j'ai joué aux montagnes russes avec mon cœur, avec mon corps aussi. Oscillant du rire aux larmes, des larmes à l'angoisse, de l'angoisse au ciel bleu à nouveau, sans trêve. 

La plus grande décision a été de partir, de mettre les voiles. Jamais je n'aurais pensé en être capable. Je connais mon élément déclencheur, je sais parfaitement quand et comment j'ai décidé de rompre le cercle dans lequel je me perdais dans la capitale des Flandres. Ma vie était finalement une répétition, sans relâche, de hauts, de bas, de chutes, de coups portés par moi à moi, puisque finalement nous sommes seuls, face à nous-mêmes, en grande partie responsables de nos choix d'aujourd'hui, héritiers des choix d'autres, avant nous, dont nous n'avons pas conscience. Toujours est-il que j'ai rompu ce cercle.

J'ai ouvert mon champ des possibles, je me suis offert un cadeau inestimable: libre.

J'ai traversé la France. J'ai encore re-modifié l'espace qui constitue ma vie. Et me voilà recommencer une nouvelle existence, toute neuve celle-ci, puisque personne ne me connaît. Tout est à construire, à faire, l'avenir est plein de promesses. 

Pour y parvenir, j'accepte d'entrer dans un système, temporairement, avant de m'en extraire et d'emmener, non sans provoquer des remous, l'un des êtres les plus extraordinaires que le monde ait porté (mais qui n'est pas encore prêt à l'entendre, le petit chenapan, on y arrivera!). Consciente des défauts et des qualités de chacun, les miens y compris, j'ai accepté les coups, les règles du jeu, et surtout, de jouer ma partie. 

Et nous voici en janvier, février, 38 ans bien sonnés, et mars. Le temps du voyage donc.

Je recommence encore. Mais plus n'importe comment. Les choses s'ordonnent dans ma tête et dans mon coeur, en même temps. Qui suis-je? Qui suis-je pour moi? Que puis-je apporter à ce monde et aux gens qui m'entourent? Ces questions lancinantes commencent enfin à trouver les réponses, aussi complexes soient-elles à digérer, accepter, intégrer, comprendre.

Par amitié, parce qu'elle représente la plus importante des bénédictions à mes yeux, et parce que j'ai conscience de son caractère précieux, par affection, car quand on tient à quelqu'un on est capable de tout dépasser, j'ai pris du recul. Sur moi donc, sur mon rapport aux gens que j'aime.

Et fatalement à ces autres nœuds, ces autres cercles, ces héritages parfois encombrants qui viennent de très loin. 

Anticiper: je ne fais que ça depuis que j'ai 5 ans. J'anticipe les douleurs, les déceptions, les besoins, les volontés, les désirs des adultes. Quand ai-je été enfant pour la dernière fois? L'entendez-vous, vous, l'enfant intérieur qui tambourine à votre cœur chaque jour, subissez-vous ses besoins d'accueil, d'amour, d'être rassuré, cajolé, aimé, quand déjà il devait être grand alors qu'il n'était pas fini? Quand il vivait dans l'ombre? Quand il ne rêvait que d'amour et qu'il cherchait déjà à se fondre dans le décor pour disparaître tant personne ne faisait ou tout au moins correctement, attention à lui? Eh bein, moi, oui.

Devancer, je ne sais pas faire autrement. Tout chez moi est dans le contrôle. Rares sont les moments, sauf depuis quelques temps, où je suis capable de de ne rien prévoir sans me sentir en insécurité. Les peurs ancestrales, les peurs d'autres projetées sur nous sont lourdes. Et à présent j'entrevois enfin, ce que j'ai dû porter à la place d'autres avant moi,qui n'était pas à moi, et dont on s'est déchargé sur la petite fille que j'aurais pu devenir. Mais non, je ne pleure pas sur mon sort, je prends de la hauteur, j'essaie de comprendre et de peut-être, qui sait, ouvrir une porte chez ceux qui me lisent....

Pour rire, mon magicien m'a répondu à mes demandes de trêves, "vous vous ennuieriez si vous aviez la paix", je comprends pourquoi. Je ne sais pas le faire. Quand nous avons commencé notre travail ensemble, vous m'avez dit que je devais apprendre à marcher, à respirer, à aimer, à manger. J'apprends.C'est long, mais j'accepte maintenant d'avancer. Comment peut-on, même inconsciemment, faire reposer tant de fardeaux héréditaires sur un être en construction?

Je ne le saurais sans doute jamais, moi qui rêvais de faire pousser un ou deux êtres lumineux, moi qui me rêvais mère depuis toujours, et qui dois d'abord finir de réparer mes propres failles avant d'imaginer en fabriquer un seul, l'âge aidant....bref.

Communiquer? Ah ça oui, je sais faire. Bien ou maladroitement, en tous cas les deux autres caractéristiques m'ont poussé à développer mon intuition. De facto mon empathie. Et j'aime profondément les gens. Mais j'ai aussi l'intuition du danger, des mauvaises ondes, des mauvaises intentions, que faire de tout ceci? Bien pratiques qualités pour obéir instinctivement (c'est l'instinct, l'animalité) aux règles implicites de ma famille, au sens large. On devine plus qu'on ne dit, on ressent plus qu'on ne s'exprime, on agit plus qu'on ne s'écoute. Et toujours un sentiment d'urgence, d'insécurité, où, comble du comble, je me suis sentie en sécurité, dans la norme. C'était comme ça.

Mais personne ne vit comme ça. Et le monde extérieur n'est pas prêt à recevoir ce type de caractéristiques. J'ai avancé presque 35 ans, selon ces préceptes-là mais pas seulement: l'injustice me rend fébrile, l'amitié est mon refuge, la gentillesse ma seule arme, mon cœur protégé par la forteresse de mon corps, que j'ai choisi rond, visiblement, on ne se cogne pas, sur moi. On se cogne sur mon cerveau, c'est sûr, on se cogne sur ma force mais mon corps, non, si tant est que l'on ait envie d'y porter de l'intérêt. J'ai mis du temps à me voir. Me voir sous ce corps, ce corps fabriqué pour me protéger. Mon vrai corps est en-dessous de kgs de tristesse qui ne m'appartiennent pas, de rancœurs que d'autres ont semées en moi et dont je me DÉBARRASSE en ce moment.

Penser à la place des autres, devancer leurs désirs, leurs peurs, leurs souffrances, même si cela part d'un bon sentiment, n'est bon pour personne. Chacun sa place, et si l'on fait des choses pour les autres, spontanément, sans idée déplacée, bien sûr que c'est beau, mais en souffrent-ils? En souffrons-nous? Le respect de soi et des autres passe nécessairement par l'écoute, de soi et des autres. Et trop c'est trop. Aussi m'a-t-il fallu, une fois que j'ai pris de la hauteur, comprendre ce qui se jouait. Si je poursuivais ce chemin, j'allais manquer d'air, et de facto étouffer aussi mes amis les plus chers, alors que je ne souhaitais que leur bonheur (un comble!!!!!!!!). Pire, en n'acceptant que de donner, sans me sentir digne de recevoir (on en était bien là, oui), quel message ferai-je passer? Si ce n'est celui d'une absence totale de réciprocité! Je te donne et ce que je te donne est bon, fais moi confiance, mais de toi je ne veux rien, ne te dérange pas, donc....te fais-je vraiment confiance? Grave ce message non? Alors qu'évidemment que j'ai confiance, évidemment que je veux l'échange....eh bien, les évidences sont très importantes....à rappeler. Alors, il a fallu remonter le fil, et comprendre d'où venait ce problème. Une fois trouvé, il a fallu le corriger. L'empathie, la gentillesse, oui. L'oubli non. Respectons-nous.

C'est donc grâce à ce voyage, à ces turbulences, aux connexions magiques et à l'amitié la plus précieuse, que j'ai pris conscience que j'étais encore coincée dans un cercle, un labyrinthe dont il me fallait sortir, fermer la porte, jeter la clé. Sinon on recommence à l'infini et on gâche tout. Et sortir des labyrinthes, nombreux, permet avant tout de reprendre du souffle. D'arrêter de se voir en ami(e) dévoué(e) quand on est le héros. D'arrêter de croire qu'il faut forcément souffrir dans une relation amoureuse pour qu'elle soit enrichissante, d'arrêter de vivre le contraire de ce que l'on est, d'arrêter de se croire moins bien, moins intéressant, moins intelligent, moins capable. D'arrêter de s'entendre s'auto-condamner à la médiocrité, à la pauvreté, à la difficulté: ON COUPE! 

Quand j'ai vu que je recommençais à m'enfermer dans un cercle, professionnellement, personnellement, intellectuellement, j'ai sauté de la casserole bouillante. Stop, on arrête cette mascarade de vie. On vit. Il suffit de payer une dette karmique qui ne nous appartient pas. Temps de prendre soin de soi et de s'incarner UNE FOIS POUR TOUTES, parce que ça va bien cinq minutes ces conneries, on n'a rien demandé! Donc basta cosi, on se lève, et on marche. Voilà.

Quand j'ai "accouché" de cette révélation, j'ai dormi, toute une nuit. Plus de 8 heures. 

J'ai rencontré de nombreuses personnes sur ma route,peu m'ont poussé à m'interroger aussi loin sur moi-même, preuve qu'il y a un caractère sacré à ne pas prendre à la légère. Au-dessus, c'est le soleil. 

Conclusion de ce voyage introspectif (et de toutes ses étapes: Uber, navette, taxi, attente interminable, tempête qui cloue l'avion au sol, absences injustifiées, absences qu'on m'expliquera sans doute un jour) vivre c'est maintenant, demain il sera trop tard.

Je me suis donc fait la promesse, à dix jours du sixième anniversaire du départ de Jeanne pour d'autres concerts paradisiaques, que je ME devais d'être enfin moi, que je devais lâcher la main de la peur, que je devais remettre les 30 kg de bordel dans des petits paquets pour les distribuer aux animaux du bois de Vincennes et regarder la vie en face: on va la réussir, cette vie, bien sûr que oui!

Allez, hop c'est parti, et que ça pétille!

Je vous embrasse


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