Revenir aux fondamentaux.....

Vous avez remarqué? Nos téléphones en silencieux, nos précautions infinies pour parler aux gens, les pincettes que l'on prend pour communiquer, les milliers d'interfaces qu'on utilise pour exprimer nos sentiments?

Au détour d'une conversation récente (et en général c'est souvent avec des gens qui comptent qu'on peut avoir ce genre de conversation, à des heures indues, sur des parkings en écoutant Jean-Jacques Goldman, on est bien d'accord), je suis revenue sur des réflexions qui m'avaient déjà traversées il y a quelques années. Cette sensation désagréable de "déranger" nos amis, les gens qui sont les plus proches de nous, auprès desquels, on use de mille précautions comme s'ils étaient en porcelaine et que tout étant voué à disparaître, si on parle trop fort, si on brise le silence des relations aseptisées, on risque de se froisser...

En 1999, on allait taper chez leurs parents pour savoir s'ils voulaient sortir, on n'avait pas tous de portables, on s'appelait d'une cabine téléphonique, on s'écrivait, on savait qu'on se croiserait en allant à tel endroit, on se parlait, on s'écoutait, on passait du temps ensemble, on prenait des cafés.

20 ans plus tard...on s'écrit avant de s'appeler pour ne pas déranger, nos portables en silencieux sont toujours près de nous et même s'ils sont loin, une lumière clignote pour nous signifier que quelqu'un pense à nous et c'est un mail publicitaire: ascenseur émotionnel, on est trés ému et très déçu dans la même fraction de seconde. On ne fait plus de bruit, on s'appelle à peine, pour se raconter des conneries ou des choses importantes, où on jaugerait à l'intonation de nos interlocuteurs, les émotions qui les traversent, où on pourrait enfourcher nos vélos, prendre un bus ou une navette spatiale pour se retrouver au bout du monde, s'ils nous le demandaient. Non, aujourd'hui, on a peur de déranger. Nos amis. On n'ose plus, on est tiède. On est frêle, on se perd, on ne se comprend plus parce que justement, très bonne remarque, quand on reçoit un message, s'il n'est pas accompagné d'un émoticône on ne sait pas si l'autre sourit ou s'il est triste, ou bien s'il a mal interprété nos mots. Pire arme fatale à l'ère des surcommunications : le silence.

En 1999, le silence, c'était normal. C'était la norme, le silence. En 1999, on était à la fac, on commençait à peine à avoir internet chez nous, on allait dans des médiathèques pour se connecter à un ordi pendant 1 heure et on payait 1 euro, quand l'euro est passé. Les gars, à l'époque, c'était exceptionnel de s'écrire des mails: on avait des stylos! C'est fou hein. J'exagère à peine, quand je dis qu'aujourd'hui, seuls les rêveurs et les poètes écrivent encore des cartes, des lettres, des choses qui restent. Des choses réelles, palpables, des choses qui ont existé. 

Aujourd'hui, l'argent est dématérialisé, l'amour se trouve par algorithmes, les amitiés se font et se défont grâce à cette saloperie de petite icône "vu", à côté de nos messages instantanés. Alors qu'en réalité, rien ne vaut les sens: on n'est pas des robots! L'ouïe, et entendre la voix de ceux qui comptent, le toucher, se prendre dans les bras pour se dire bonjour, la vue, quand ils arrivent, le goût des fous rires que l'on partage, l'odorat, des saveurs, des verres de vin, des parfums qui se mélangent....c'est ça la vérité.

Alors j'ai bien réfléchi, j'en ai discuté avec quelques personnes autour de moi, dont certains n'ont pas de compte facebook et vivent quand même en 2019. Je ne vais pas tout effacer, je ne vais pas arrêter de communiquer avec les gens. Mais je suis d'accord pour revenir aux relations de qualité, à l'authenticité, à la réalité. Je suis d'accord pour utiliser mon téléphone pour téléphoner, pour envoyer des textos, pour être en connexion et pas déconnectée. D'accord pour reprendre des photos avec un appareil photo, pour remettre une montre si nécessaire à mon poignet. J'ai déjà rebranché un réveil et éteint mon portable la nuit. Je suis pour vivre mes relations et ne pas les regarder de loin, développer mes photos et en tapisser mes murs, écrire ce que je ressens sur des lettres et des cartes et même sur des carnets. Je sens que c'est important de revenir dans la vie.

Je ne sais pas pourquoi j'avais oublié tout ça. En revanche je sais pourquoi je m'en suis souvenue.

Parfois il suffit d'un rien, certains parlent de déclic, d'autres d'élément déclencheur. Non, en fait c'est la vie qui se joue, on est là, maintenant. Désinstaller une appli, ça prend 5 minutes. Cette appli chronophage qui mange nos instants de vide, nos instants de rien comme si rester sans rien faire était désormais interdit. En fait, aujourd'hui, les appli ont remplacé les cigarettes. Et je n'ai jamais fumé de ma vie. Mais c'est l'effet que ça me fait. Sans bruit, sans crier gare, on ne dérange personne, on fait ça en silence dans son coin, on interagit à la moindre occasion, on fait défiler nos écrans, on guette, on croit partager alors qu'en réalité, on gagnerait à partager avec les humains en notre présence, à s'ennuyer, à lever le nez pour observer le monde, à écouter attentivement ce qui nous entoure. 

J'ai retrouvé un clavier, un autre, pour jouer de la musique. J'ai remis de l'encre dans mon stylo plume, j'ai rechargé la batterie de mon appareil photo, remis ma montre à l'heure et j'attends patiemment de trouver le sac qui m'accompagnera partout. A vouloir tout minimiser, la place et l'espace, à vouloir tout contrôler, à vouloir tout pratique, on finit par se laisser, en effet, lentement, insidieusement "happer". Ce mot très justement placé dans la conversation, dans cette voiture, sur ce parking, alors que résonnaient les premières notes de "Juste Après".

Authentique. Certaines rencontres remettent notre nez là où il n'aurait jamais dû partir: sur la vie.

Et pour cette raison comme pour mille autres, sans doute, je sais qu'elles sont précieuses.

Ce soir, vers 20h, j'ai pris mon téléphone et j'ai passé un coup de fil à quelqu'un qui ne répondait pas à mes messages virtuels depuis ....4 mois. Une personne chère à mon coeur que je ne me résolvais pas à déterminer comme définitivement perdue. Je me suis dit, je tente. Au pire, je laisse un message et j'aurais tout essayé. Et miracle: nous avons ENFIN pu parler. Mon intuition était bonne mais. Mais, j'ai joué le jeu à la con du "je ne veux pas déranger". Comme si s'inquiéter pour quelqu'un qu'on aime, prendre des nouvelles et communiquer était une source de dérangement.

J'ai failli perdre pied. J'ai été remuée, bien sûr, j'ai pris cher même toutes ces semaines, tous ces jours de distance et de questionnements. Mais les mots ont des vertus, surtout s'ils sont prononcés en face.

Ma reconnaissance est totale. Encore une fois. Et c'est pas fini. 

On devrait toujours dire merci aux gens qui nous font du bien. Et puisque, sans doute, ces mots seront lus: MERCI.

Je vous embrasse, vraiment, sur chaque joue, avec des bisous qui claquent!


Commentaires

Unknown a dit…
Depuis que Hélène m'a fait découvrir vos livres et votre blog , je ne fais que sourire et même rire .MERCI
Continuez ..Continuez ...Je vous aime ,sans vous connaître!

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