La raison du plus...patient?

Les joutes verbales ne me manquent pas particulièrement. Mais elles avaient un avantage certain, elles faisaient sortir le venin, le trop-plein, le "pus", comme on dirait moins élégamment mais pourtant très clairement.

Aujourd'hui, les gens s'insultent silencieusement, c'est très paradoxal. Ils se disent les choses mais pas en face, par écrit, sur les réseaux sociaux de préférence. Sûrs de leur fait, les gens, écrivent des trucs qu'ils pensent être vrais, qu'ils tiennent pour acquis, et qu'à aucun moment ils ne remettront en cause, même deux secondes, même dans un éclair de soudaine lucidité, où ils se diraient, "et si ce que je dis était faux?Et si ce que j'avance était infondé?" Non, jamais.

Et c'est pour ça, après avoir longuement observé les discours, les passes d'armes politiques, être tombée moi-même parfois, avec la passion qui fait ma réputation désormais, dans des discussions sans fin sur les droits fondamentaux, que je me tiens à l'écart de la politique telle qu'elle est aujourd'hui exercée. Politique n'est pas un métier, c'est une conviction. Pour être capable d'affirmer, encore faut-il vérifier que ce que l'on avance est vrai. Or, on assiste aujourd'hui à un déni collectif, on est soit noir, soit blanc, une sorte de manichéisme complètement stérile qui donc, empêche le dialogue et par conséquent, la politique. CQFD. J'ai vu des opportunistes, écouté des populistes, rencontré des idéalistes et interviewé des lucides avant leur départ pour l'île la plus éloignée de leur terrain politique. Qu'ont-ils en commun? Une certaine idée de la justice. Pas LA JUSTICE, leur justice. Aussi, peut-on régulièrement lire çà et là, qu'untel ou untel n'est pas neutre ou objectif parce qu'il ne suit pas l'avis général des opposants ou parce qu'il ne rentre pas dans le rang. Et un 14 juillet, je trouve ça plutôt osé de ma part de prendre la plume pour éviter de perdre mes nerfs. 

Il est tellement simple de taxer l'autre de "mauvaise foi" quand il n'est pas d'accord avec nous...Plus facile que d'oser remettre en question les propos que l'on tient ou les vérités que l'on tient pour acquises et quiconque irait contre serait forcément du côté obscur de la force. Toutefois, loin de revenir sur les points décortiqués avec patience, on garde sa baseline comme on dit en langage communicant, et surtout on ne varie pas. Aux Assises, on fait appel d'une condamnation quand un élément nouveau est apparu, sur lequel notre défense peut encore espérer s'appuyer. Je me souviens, très bien parce que ça m'avait scotchée, d'un confrère en partie civile (j'étais toujours du côté obscur pour le coup, on peut dire que j'aurais pu facilement verser dans le complot facile pour briller en société, private joke) qui avait lancé à mon client (un pas gentil, ça c'est vrai, mais un citoyen quand même) "mais Monsieur, vous revenez devant la cour d'assises d'appel avec exactement le même discours, au mot près, que vous aviez déjà en première instance. Quel est l'élément nouveau?" Brillant. Oui, à un détail près. Ledit confrère avait ressorti la même plaidoirie, à la virgule près. Comment je le sais? J'étais là, les deux fois, et j'avais noté sa plaidoirie, pour m'en souvenir au moment où j'allais préparer la mienne, qui intervenait en dernier. Et comme j'ai une plutôt bonne mémoire, non seulement je m'en souvenais (comme on retient des répliques de film ou des paroles de chanson, déjà entendues quelque part) mais en plus je les avais sous les yeux. Régal, festival. Je me suis donc fait plaisir, le moment venu. Une sombre histoire de poutre et de paille.

Et bein, là c'est pareil. Nos nouveaux contradicteurs sont des lecteurs pas lambda qui viennent de tous horizons, surtout de toutes colorations politiques. Mes convictions personnelles me portent plutôt du côté gauche de l'échiquier, what a big surprise! pourtant une chose gouverne le reste : la justice. Et y a un moment, où j'ai chaud, quand on commence à me raconter des craques, je le vois, (cf article précédent sur ce blog, you know what I mean) et quand on n'a pour argument que des trucs déjà lus, relus et rata-lus, qu'on n'a zéro preuve (mais bougez le *** pour trouver ces preuves qu'on en finisse) mais qu'on brandit la théorie du "vous êtes du côté institutionnel de la force" (it's the new côté obscur quand je parlais aux policiers avant on me disait toujours "ah mais de toutes façons, vous, les baveux, vous êtes toujours du côté des délinquants, et ils sont toujours innocents, hein! Aujourd'hui, apparemment je suis du côté des institutions. Les gens semblent mieux me connaître que moi-même, comme c'est original) ça provoque deux réactions, en chaîne: le rire gras et la lassitude.

C'est épuisant hein. Mais ma question est simple: quand les gens seront-ils capables d'enlever leurs œillères pour s'écouter? Quand va-t-on être en mesure de s'arrêter deux secondes de mettre la fièvre partout, pour faire avancer le sujet? Sommes-nous contraints à vociférer pour être entendus? A monter sur une grue pour obtenir la garde de ses gamins, à s'immoler devant une gare pour dénoncer les conditions de travail? Non mais la question vaut pour tous! De chaque côté! Je n'en peux plus à dire vrai, d'entendre des gens s'opposer sans réussir à dépasser leurs oppositions. Je suis fatiguée des discours contre, des discours qui s'entrechoquent mais au final ne produisent rien, ne sortent aucune solution, ne vont pas droit à la réponse.

La plupart d'entre nous veut la paix. La grande majorité veut vivre dans un environnement sain, sans pollution auditive, parce que les autres locataires laissent leurs gosses crier dans la rue à 23h sous leurs fenêtres, pour être tranquilles. (j'ai tendance à croire qu'on fait des enfants quand on en est complètement capables, pas seulement durant 5 minutes mais bon)  La grande majorité d'entre nous veut un ascenseur qui fonctionne et pas passer 100 coups de fil pour permettre à Madame Michu d'accéder à son appart' au 8e alors qu'elle est handicapée, veulent pouvoir discuter avec leurs potes dans un parc sans se faire tomber dessus pour un regard, ou la mauvaise couleur de peau, veulent pouvoir rentrer d'une journée crasse de boulot sans se faire contrôler à tout-va, pour rien, mais comme c'est la loi, monsieur on vous emmène au poste. La plupart d'entre nous n'en n'a rien à foutre qu'il y ait des ordi dans les cellules des détenus, alors qu'ils sont 4 par cellule, et finissent par faire cuire le foie de leur compagnon d'infortune, faute de service complet de suivi psy en taule. On n'en parle pas de ça? Bein non. La plupart d'entre nous voudrait de la justice pour l'école républicaine, voudrait qu'on arrête de dire aux gamins que chialer c'est une preuve de faiblesse, tu m'étonnes que tout le monde finisse sous anti-dépresseurs. Faudrait peut-être se taire, deux ou trois minutes, observer en silence, décrire ce qu'on voit et chercher si on a bien vu, avant de s'emballer. Les scandales politiques avec de l'argent public sont tellement nombreux que les gens poursuivent leur raisonnement "tous pourris", un jour d'insurrection comme aujourd'hui, on a en mémoire la tête des rois et des bourgeois sur des piques, et on en est là. Plus personne n'écoute personne, alors tout le monde fait son machin dans son coin. Et toutes les conneries sont faisables sous couvert du sempiternel "ah bah, le ministre machin, hein, vous étiez pas là hein pour le faire chier lui!" Mais tais-toi, c'est à toi qu'on s'adresse là. Pourquoi toujours prendre un exemple extérieur pour justifier nos conneries? Assumez! Moi aussi j'ai un pv de stationnement majoré et oui, les impôts me demandent de le régler. Oui, c'est vrai, le ministre bidule a gardé un logement de fonction et utilisé de l'argent public pour se taper des homards auxquels il est intolérant, mais je m'en fous. Ma question est comment je vais réussir à joindre les impôts pour avoir la paix avec ce pv? 

Voilà la situation. Tout le monde avance des trucs, partage des articles en lisant juste le titre (et je suis bien placée pour vous dire que des fois le titre n'a RIEN à voir avec le contenu de l'article, nombre de titrailles remplacées sans mon avis? J'ai arrêté de compter) tout le monde croit à la théorie du complot, sans prendre le temps de lire et de recouper ses infos, bref, tout le monde joue au journaliste et à l'avocat sans avoir ni le recul, ni l'expérience, ni la légitimité sous le simple prétexte qu'il est citoyen du pays. Basta, chut, on respire, on inspire et on réfléchit. Et si on est encore énervé, on recommence. Après on se mettra autour d'une table pour parler et trouver des solutions aux problèmes. Je ne comprends pas la direction que ce monde prend. Mais je continuerai à chercher des solutions pour faire taire le conflit et le résoudre. Pas sûre que jeter de l'huile sur le feu soit très constructif. Pas certaine de devoir répondre à tout bout de champ à tous les gens qui restent bloqués à un niveau du jeu sans vouloir chercher de solutions pour se débloquer. Encore moins sûre que se taper dessus fera avancer les choses.

Il m'est avis, même si c'est dur, quand on a l'injustice en dégoût, et la pulsion de défendre le bon sens chevillée au corps, qu'il faut être observateur plus qu'acteur pour ensuite digérer et donner une analyse froide et factuelle. Dans un incendie, envoyer de l'eau plutôt que de l'huile, en quelques sortes. On y arrivera, un jour. A force de persévérance, c'est sûr. Liberté, Egalité, Fraternité? Oui, liberté d'expression, égalité des points de vue, fraternité dans la résolution des conflits. Ce serait sympa que ça s'applique, un jour, le même si possible.



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