Erreur de trajectoire

Chers guides spirituels, cher Univers, chers Dieux de l'Olympe et Jésus, si t'es là, 
Il a dû y avoir un problème d'aiguillage dans mon envoi sur cette planète, soit d'époque, soit de temps, soit de lieu, ou bien encore, bien que vous soyez excessivement bienveillants et omniscients, vous avez oublié de me filer le mode d'emploi en partant, je comprends vous savez, les départs c'est toujours un peu précipité.
En tous cas, une chose est sûre vous n'avez pas manqué d'humour, en m'envoyant ici. Je ne sais pas si vous êtes en vacances en ce moment, mais ici-bas c'est assez tendax dirons-nous. Les gens sont devenus fous, littéralement. Ils ont la bave aux lèvres, l'envie d'en découdre, le sentiment de toute-puissance et le goût du sang visiblement les excite pas mal. 2020 ans d'évolution pour en arriver là, à la loi du talion, à la potence publique sur les réseaux sociaux, aux cries d'orfraie au moindre soubresaut...j'avoue avoir une petite baisse d'énergie en voyant ça.
Alors, je ne dis pas, personnellement, que ma vie ne se soit pas légèrement améliorée rapport aux débuts un peu chaotiques, mais ça, c'était sûrement dans le deal de départ. J'ai dû accepter cette ribambelles d'aventures plus savoureuses les unes que les autres pour une raison, je suis sûre qu'il y a un trésor au pied de l'arc-en-ciel, j'ai cumulé plein de miles en 39 ans.
Mais mes concitoyens? On fait quoi pour eux ? Parce qu'il va falloir faire quelque chose, on est d'accord. On ne pourra pas éternellement maintenir les taureaux hors de l'arène si on agite sous leur nez des chiffons rouges tous les trois flashs info.
Figurez-vous, parce que ça, je pense que ça a dû vous échapper, qu'ici on cherche à savoir les noms des gens qui ont commis tel ou tel acte pour mieux les punir. Aucun ne se dit, "si c'était moi" parce que tous sont persuadés d'être au-dessus de la mêlée, au-dessus de tout soupçon, incapable de faire du mal, y compris involontairement. 
Tous ont les mains propres et la conscience tranquille, enfin sauf quand ils s'expriment sur les réseaux sociaux, là on repasse à l'ère du Néandertal, c'est fini les Lumières, les droits de l'homme et tutti quanti, on a perdu le sens commun. Exit la compassion, la charité et l'empathie quand des gens qui fuient la guerre et la famine dans leur pays demandent l'asile en France, ils crient au scandale, "et nos sdf à nous hein? on en fait quoi ?" Bein on les ignore pardi. Comme tout à l'heure sur le parking du supermarché où une jeune fille en galère faisait le tour de long en large, rassemblant son courage pour quémander "un brin de monnaie", et que les gens la regardaient avec mépris, rejetant sa demande d'un revers de la main comme pour dire "pas intéressé". Oui, c'est ça, exactement. Pas intéressés. Tout le monde s'en fout des autres. Mais comme le chantait Brassens, même les pires ennemis, finissent par s'entendre quand ils trouvent un ennemi commun. 
En ce moment, pour une couleur de peau on fait et dit tout et n'importe quoi. Les gens commentent sans savoir, font des raccourcis, des généralités, parlent à tort et à travers de choses qu'ils ne connaissent pas, insultent GRATUITEMENT leur prochain, font des différences entre les vies humaines, des distinctions entre les êtres humains : c'était une question de notre professeur de philosophie du lycée, une vie humaine a-t-elle moins de valeur qu'une autre? Quand un homme âgé décède, sa mort est-elle moins triste que s'il s'agissait d'un enfant ? Ici-bas, on parle de couleur , d'origines, on mélange tout. On parle d'orientations sexuelles, on s'offusque de tout ou au contraire de rien, nul n'a droit à l'erreur face au public censeur. Mais surtout, à l'inverse, on va brandir une couleur et un combat qui n'a pas du tout lieu là où nous vivons, pour réclamer des trucs qui n'ont rien à voir, il en sortira bien un truc. Et si rien ne sort, les gens parleront de complot. Avant le prochain scandale. Mais enfin, est-ce que ce monde est sérieux? demandait Cabrel sous les traits d'un taureau. 
Parfois je me demande si ces gens existent vraiment, s'il ne s'agit pas de robots sous de fausses identités, venus pour booster des publications. D'autres fois, je me souviens que j'ai défendu des gens qui m'auraient fait perdre foi en l'humanité et finalement, après 6 ans de plaidoiries, j'aimais encore plus le genre humain. Je n'ai donc rien à faire dans ce monde-là. Ou bien pas comme ça.
Donc vraiment je me demande. A ce stade de la compétition, vous allez les laisser combien de temps s'affronter, se monter les uns contre les autres ? Combien de temps, allez-vous les laisser s'opposer, hommes et femmes, noirs et blancs, issus de l'immigration et français franchouillards (s'il y en a...vu l'histoire de France, la question se pose, moi-même ne suis-je pas un exemple de ce brassage culturel ? Bref) Les hommes sont-ils tous des prédateurs sexuels violents ? Non, je ne pense pas, pourtant en lisant les tweets, on dirait. Est-il courageux ou immoral, de jeter des noms en pâture ? Faut-il dévoiler les noms d'auteurs d'infractions visés par une enquête ? Le peuple doit-il s'ériger procureur? Hein, ça. Vous m'avez envoyé sur la mauvaise planète. Je ne vois que ça. Je ne vous en veux pas du tout, attention. Juste, je vous le dis, si vous me laissez ici, je vais continuer à me poser et à poser des questions. A essayer de faire revenir la paix, à tenter de permettre aux gens de s'écouter, de se comprendre et de s'aimer. Et je ne vais pas faire semblant, vous me connaissez.
Ce qu'il y a de pénible avec les gens comme moi, c'est que j'ai traversé deux siècles déjà, je suis née au XXe et je vis au XXI alors que sincèrement il n'y a aucune raison. Je ne comprends pas les gens, ils ne parlent pas, ils ne communiquent pas, ils crient leur haine et cachent leur amour, ils restent dans des vies qui ne sont pas les leurs, ils s'acclimatent au moyen, ils aiment leur inconfort, ils chérissent leurs problèmes. 
Donc, non, votre choix n'est pas clair : qu'attendez-vous de moi ? Si c'était voulu, il est temps de m'envoyer le mode d'emploi ! Sinon ça va prendre des plombes et je serai obligée de revenir.
Allez, s'il vous plaît, expliquez-moi, aidez-moi. Puisque j'y suis, il faut bien que j'y reste. Mais ce monde est dingue et j'ai besoin d'un coup de main.
Merci, Bisous.


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