Quitter la brume

C'est une très récente prise de conscience, où sans doute mon cerveau a quitté la brume du quotidien train-train, dans lequel il s'engluait depuis -trop-longtemps.
Quand avons-nous cru devoir se plaindre sans cesse, ne voir que le côté négatif des choses, trouvant ça presque normal ? Dire que tout va bien, se réjouir de sa vie, c'est devenu presque marginal, on a bien un truc sur lequel râler si on cherche ? Et ça en devient presque un concours, une surenchère, l'envie soudaine d'être pire que l'autre, ou d'avoir du négatif en commun, un truc à raconter. Comme si parler de ce qui va était chiant, inintéressant, pénible. 
Les gens sont devenus fous ou j'ai raté un wagon ? Donc j'ai prêté attention à ce qui sortait de ma bouche, pour voir. De quoi pouvais-je parler d'intéressant et de positif qui puisse peut-être inciter mes interlocuteurs à en faire de même ? Je crois que je suis lasse des mauvaises nouvelles, de ne parler que d'un côté de la pièce et pas de l'autre, celle qui brille, celle qui nous fait du bien. 



Il s'avère que je vais bien. On a coutume de nous conseiller de ne pas trop montrer notre bonheur parce que les gens peuvent nous jalouser et donc nous porter malheur. Que "pour vivre heureux, vivons caché", du coup mieux vaut étaler sa mauvaise humeur sur les réseaux sociaux ? Ou se taire tout court ? 
Je suis là aussi on ne peut plus sceptique, circonspecte même (je rêvais d'utiliser ce mot). Je pense qu'en partageant les petites joies du quotidien, en disant ce qui va, en souriant, en voyant le côté positif des choses, on va globalement mieux et on est contagieux. Ça marche pareil que pour la mauvaise humeur qui fait tache d'huile sur tout ce qu'on entreprend, les gens qu'on voit, les choses qu'on fait. 
Le verre tombe et l'eau se répand sur la table. Soit on se marre, et on essuie, et on passe à autre chose. Soit on râle et là ça va rester toute la journée collé à nous comme un vieux chewing-gum. 

Je crois en effet, que le bonheur est une décision. Une vraie grosse décision. On ne plaisante pas avec ça. C'est un choix. On décide de voir les choses sous un angle positif, on doit peut-être se forcer au début, tellement c'est "normal" d'être malheureux, insatisfait, triste, mécontent, bougon, de mauvaise humeur. Il faut s'obliger à ne pas se plaindre, on est conditionné ! Est-ce partout pareil ? En Italie, en Argentine, en Espagne, au Portugal, au Brésil, les gens sont-ils aussi peu satisfaits de leur existence ? A devoir toujours râler comme ça ? Quand ils rencontrent leurs amis, globalement, ça commence toujours par "ah la la, quelle journée pourrie!" ou bien "tu as vu ce soleil ? C'est génial non?" ?
Il y a du bon dans toutes les situations, et même si on le RABÂCHE toute la journée à coup de développement personnel dans tous les sens, ça ne change RIEN, les gens qui nous entourent, continuent à râler. La brume quoi. Le matin, on ne parle pas parce qu'il nous faut un café, ok on pourrait décider de se lever content pour voir ? Prendre un thé pour changer ? Sourire quand on se croise dans le miroir ? Mettre de la musique ? Faire autre chose que ce qu'on fait tout le temps "parce qu'on a toujours fait comme ça"? Parce que ça n'a pas l'air de nous réussir visiblement?

On fait toujours tout comme on "a toujours fait comme ça", et râler en fait partie. Se plaindre, discipline olympique en France. Mais trouver une solution pour régler le problème ? #Flemme. Eh bien voilà, j'en étais à ce stade de mes réflexions quand j'ai décidé de faire autrement, de croire à l'incroyable, de bouger, de sortir de ma zone de "confort" inconfortable, de sortir des habitudes. J'ai commencé à faire des choses que je n'avais jamais faites, imaginé aller dans des endroits où - accrochez-vous- je m'étais empêchée d'aller : moi-même ! Parce que ne comptant que sur moi, j'ai imaginé la logistique avant d'y aller, et ça m'a découragée ! Quand j'ai réussi à grimper en voiture le col du Petit St Bernard, et que je suis arrivée tout en haut, j'ai réalisé que je ne l'aurais jamais fait si j'avais su ce qui m'attendait. Par peur, par crainte de ne pas y arriver. Quand j'ai décidé de faire des bougies, je n'ai jamais cru que je mettrais le feu à l'appart, j'ai osé. Et en osant, on est fier de soi. En étant fier, on se croise dans le miroir et on se sourit. Et miracle, on se trouve jolie. Popopopo, c'est enfin arrivé les gars, je me suis trouvée jolie ! Le genre de trucs qui ne m'était pas arrivé depuis.........je ne sais plus. 10 ans sans doute. Quand j'étais allée faire un shooting photo pour me donner confiance en moi. Quand je revois ces photos, dans le book que mon amie Juliette m'avait confectionné, je me dis qu'il fallait oser faire ça. Et je n'ai pas eu peur. Quand je vois le travail déjà fourni, le chemin parcouru en 3 ans en "terre inconnue" que je mène pour me faire une place ici, ce qui - BON SANG- n'est pas une mince affaire, je ne peux qu'être fière de moi. J'ai tout quitté, mes repères, mes amis, ma vie sociale, ma famille, ce que je "connaissais depuis toujours" pour oser autre chose. Il en va de même pour la vie professionnelle. Si cela semblait tout tracé, ma recherche d'authenticité ne m'a pas permis d'être linéaire. Mon besoin de créativité, mon envie de réussir à être heureuse, tout ça n'allait pas de pair avec toutes les limites que je m'imposais. 

En 2013, après avoir passé un an à me tordre les boyaux sans comprendre ce qui m'arrivait, j'ai demandé de l'aide à mon magicien (vous le connaissez tous si vous lisez mon blog depuis 8 ans, et il a préfacé Black cat's Therapy avec sa fille !) qui a compris que je devais stopper le gluten. J'ai paniqué sur le moment, qu'allais-je manger ? On ne m'a pas préparé à ça. Nous mangeons tous la même chose, nous fonctionnons tous de la même manière, il n'y a pas d'évolution, de recherche, de curiosité dans la masse de la population. Bien sûr certains vont tenter des expériences, apprendre à s'alimenter autrement, trouver de nouveaux moyens, des épiceries spécifiques, vont aller au marché se mettre à cuisiner etc. Mais ils seront marginaux, même si aujourd'hui, de plus en plus de personnes s'intéressent à ce qui les attend dans leurs assiettes. 
En attendant, il y a 8 ans,ce n'était pas le cas ! Alors il a fallu se réinventer, et surtout : accepter la critique. Entendre "tiens, ton pain", "tu reprendras ton pain là", "mais du coup ça va être galère avec toi, tu peux rien manger","choisis toi, nous on ne sait pas ce que tu peux manger" CHERCHE! Non, je plaisante, c'est trop demander. Donc, alors que j'aurais instinctivement préparé des plats que tout le monde peut manger sans faire de distinction, moi j'ai un plat à part, qui part d'une bonne intention mais me démontre à quel point je suis différente. Alors que... tout le monde peut manger ce que je mange, irais-je jusqu'à dire "devrait", vu la galère que c'est pour notre génération de se nourrir sans être attaqué par les transformations agro-alimentaires... Toujours est-il que depuis tout ce temps, j'ai progressé, évolué, réussi à dompter mon estomac et mes intestins, et ça va bien. Il y a toujours des petits ratés de temps en temps, mais dans l'ensemble, je gère. Il y a encore des ratés, il y en aura sûrement toujours (le dernier en date, des abricots secs "pouvant contenir des traces de gluglu" je m'en serais bien passée, de ces traces) Mais j'ai appris à ne pas me plaindre, à faire avec, à ne pas agrafer des trucs sur la tête de ceux qui me parlaient comme si j'étais malade alors que je vais très bien, parce qu'ils ne peuvent pas comprendre tant qu'ils n'ont pas vécu cette situation. Il y a encore du chemin, pour comprendre que nous sommes des multitudes d'individus avec des multitudes d'estomacs même si nous sommes tous faits pareil au départ. Nos parents nous ont nourri de choses différentes, et donc nous ne partons pas avec le même point de départ, nous avons aussi des cultures, des traditions différentes, des façons de faire, des manies, des habitudes. Bref, la tolérance est me semble-t-il de mise, si la variété d'aliments proposés en magasin est importante, les prix fluctuent, vu que la demande elle, invariable, des gens "normaux" qui mangent "comme tout le monde" est la plus importante. Finalement quand on retrouve une vieille liste de courses dans une poche et qu'on se rend compte qu'on mange toujours la même chose, je trouve ça assez triste, pas beaucoup de renouvellement, pas énormément d'imagination ni de créativité.
Donc : bousculons les habitudes ! On risque quoi ? 

Et puis aussi, cessons de nous opposer. Vœu pieux je sais bien. Je constate que le monde d'aujourd'hui est amnésique et ne se souvient pas de comment la vie était il y a 10, 20 ou 30 ans. Les raisonnements, les coutumes, les habitudes, ce qui était toléré, accepté ou non. Aujourd'hui règne une sorte de tout ou rien, de monde binaire, sans nuances, de règlements de comptes perpétuels, sans cesse répétés, pour un tout ou un rien. Tout le monde a un truc à dire ou à faire valoir, tout le monde oppose quelque chose à quelqu'un d'autre de peur de ne pas exister. Je parlais de violences conjugales sur les réseaux sociaux, il n'y a pas un couloir réservé dans ce fléau, hommes et femmes sont tout autant susceptibles d'être touchés par ces violences. A un moment, la parité c'est d'accepter qu'hommes et femmes soient égaux, pas femmes supérieures aux hommes pour prendre une revanche. Dans les couples hétérosexuels, au cours de disputes de couple, des hommes en prennent plein la figure aussi, les femmes qui harcèlent, écrivent sans cesse, surveillent, fouillent le portable, suivent en bagnole, pètent un câble, c'est presque "normalisé", sous prétexte qu'on ne peut pas faire confiance aux hommes. Pourtant si un homme faisait ça, il serait signalé au commissariat et placé en garde à vue. Il y a là aussi, du chemin à faire. Je m'offusquais déjà du site de rencontres "Adopte un mec" où des hommes sont des produits qu'on met en caddie, l'inverse aurait été conspué ! Pourquoi tout ça finalement ? Est-ce qu'on va réussir à obtenir une forme de paix sociale, d'équité, d'équilibre en utilisant la haine, la force, et surtout l'écriture inclusive ? C'est ça notre moyen d'obtenir la parité ? Sérieusement, je n'ai jamais compris qu'on puisse obtenir quelque chose de quelqu'un par la force. Tout comme je ne peux concevoir qu'on puisse accepter d'être maltraité pour se faire aimer. Il n'est pas logique à mes yeux d'être malmené de notre plein gré, dans certaines situations, pour obtenir l'amour de l'autre. De devoir se montrer indifférent, dur, cruel, pour que l'être aimé nous regarde et nous manifeste de l'intérêt. A mes yeux, si l'on aime et qu'on est gentil avec quelqu'un, il devrait nous rendre la pareille. Je n'ai pas envie d'aimer quelqu'un qui me maltraite, qu'il soit mon parent, mon amoureux ou mon enfant. A fortiori, mon ami. Les femmes, blessées, humiliées, maltraitées, violées, battues, n'attendent pas la 67e baffe pour partir ou alerter. Les hommes, rabaissés, malmenés, humiliés, ne disent rien. Ils restent là, ils subissent, ils attendent que ça passe, et ils restent en croyant que tout ceci est une preuve d'amour, qu'ils sont des hommes, forts, qu'ils n'ont pas peur. Et ils se laissent détruire à petit feu, perdent l'appétit, le sommeil, l'intérêt pour leur travail, ils deviennent des ombres. Et c'est là que je dis que le bonheur est un choix, celui de la liberté, celui de la fin des chaînes. Celui de quitter la brume. 

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