A qui pourraient bien servir ces quelques lignes ?
"Encore un été qui ressemble aux précédents. En apparence du moins. Encore un été en Savoie, sans boulot ou presque, à attendre la rentrée avec impatience pour enfin percevoir un salaire à peu près digne. Encore un été passé à ne pouvoir aller nulle part pour ne pas s'enfoncer dans un énorme tunnel appelé découvert." Ce moment de joie intense vous a été offert par mon cerveau, au réveil, ce matin.
De ce fait, j'ai repris le sport. Alors pour vous qui me lisez depuis longtemps, vous connaissez ma relation tumultueuse à cette forme d'exercice physique. Le sport c'est un peu comme le reste, si on ne te file pas l'envie petit, en général y a peu de probabilités pour qu'un beau matin, à 42 ans, tu te réveilles avec une grosse envie d'aller courir.
Depuis 2007, je me suis inscrite au moins trois ou quatre fois dans une salle de sport. J'ai couru, j'ai dansé, j'ai essayé la zumba, le hip-hop, j'ai pris un abonnement à la piscine, à l'aquagym, j'ai même projeté de participer aux 10 kms de la braderie de Lille, et ils ont annulé la course. C'est quand même fort ce destin.
En 2007, j'allais deux fois par jour à la salle, convaincue que ma réussite au Certificat d'aptitude à la profession d'avocat était conditionnée à mes kilomètres de sueur sur un vélo dans une salle où tous les mecs se mataient dans des miroirs en levant des haltères. Ouais bein, on est con quand on a 26 ans, ne me jugez pas. Il faut dire que je m'étais vue sur une photo de mariage (pas le mien) et que j'avais failli perdre les eaux (vous avez compris l'image)
Donc j'avais démarré le suivi chez une endocrino-nutritionniste, la psy et le sport. J'avais super bien maigri c'était génial. Et j'ai repris 10, puis 15, puis 20 kilos entre 2008 et 2012. En 2013, j'ai découvert mon intolérance sévère au gluten. J'ai perdu 28 kilos. Et c'était pas un luxe, puisque j'avais atteint 115 sur la balance. Le stress, visiblement, c'est pas mon meilleur allié.
Et surtout, surtout. J'ai une hypothyroïdie congénitale. Ma thyroïde est atrophiée, le chakra de la communication (allez on rigole un coup maintenant, comme ça c'est fait) siège d'émotions contradictoires chez moi donc. J'ai travaillé sur le sujet, j'ai avancé. Je sais désormais que je suis en réalité, "obligée", "contrainte", bref que j'ai pas le choix quoi, au sport. A l'exercice physique quotidien. Parce que mon métabolisme est au ralenti, et que même si je semble être une pile, en vrai de vrai, mon rythme c'est très très lent. Pianissimo. Trop bien non ?
Résultat, que je mange une pizza ou de la salade, ça ne change RIEN. Je dois surtout, avant tout, et envers et contre tout, aller bouger mon corps et me muscler. C'est une question de survie.
Je ne peux pas faire autrement. Et en plus, contrairement à ce que j'ai entendu TOUTE MA VIE, je ne mange pas assez. Alors ça aussi, sur le moment, tu le prends comme une bonne blague. Mais non. C'est vrai. A force de m'affamer, de ne pas vouloir "trop" manger, d'écouter les avis de la terre entière au lieu d'écouter le seul qui sait : mon corps, j'ai fait n'importe quoi. J'ai donné très peu de nourriture à ce corps qui a donc puisé dans les réserves. Et comme je suis lente, puisque mon métabolisme est ainsi fait, je fatigue. Effet primaire de ma "spécificité" (certains l'appellent handicap ou maladie) : la fatigue, pire la lassitude, une forme d'épuisement dès le lever, qui nous poursuit jusqu'au coucher. Ô joie, ô allegresse !
Pour combattre ça, il faut des vitamines, des minéraux, des coups de boost pour aller mieux. Et je sais que ça va vous surprendre, parce que pour ceux qui me suivent depuis longtemps, je semble être pleine d'énergie. Sauf que je la crame très vite. Et que je n'ai pas de réserves suffisamment "aiguisées" pour tenir sur le long terme. Donc, je fatigue et comme je suis hypersensible, je stresse et je chiale. Deux super copains de longue date ça tiens. Les pleurs parce que tu es à fleur de peau, le stress parce que tu es une angoissée de la vie. Stress et pleurs = coucou le cortisol. Cortisol, hormone du stress qui fait....oui, grossir, les petits cœurs de beurre en hypothyroïdie.
Forte de ces découvertes (parce que PERSONNE NE TE DIT RIEN DANS CE PAYS) après avoir découvert à presque 35 ans qu'en fait j'avais une thyroïde, petite certes, mais bien là, que je DOIS faire du sport et que ce n'est pas une option, puis à 42 ans que je ne me nourris pas assez et que le stress me fait gonfler, j'ai repris les choses en main.
D'abord la colère est venue me rendre visite. Encore une fois, comme en 2007, je me suis vue en photo. K.O technique. Ce que j'ai vu m'a vraiment blessée. Agacée, fatiguée. "J'en ai marre en fait de me prendre par la main et de devoir encore et toujours me gueuler dessus et me faire du mal" me dis-je. "Ouais mais t'as pas d'autre solution que de te bouger. Alors tu bouges." a répondu le sergent-major dans ma tête, en faisant les gros yeux.
Alors non, ce n'est pas lié à mon célibat, parce que voyez-vous je n'ai jamais eu autant de succès qu'à 115 kg en 2012-2013. Ce n'est pas non plus lié à des remarques plus ou moins blessantes de gens de mon entourage. C'est moi qui me suis vue et qui me suis dit "tu dois te reprendre en main, car personne ne va t'aider si toi tu ne t'aides pas." (oui, je suis HYPER réconfortante avec tout le monde sauf moi, avec moi t'as compris je suis HYPO)
Je vais donc tous les jours à la salle. Je sais le faire, 10 km de vélo, de la muscu, de la danse, oui je sue et je vois mes muscles se dessiner mais j'ai pas du tout le cœur à l'ouvrage. Et comme je passe un énième été relou, que la canicule m'épuise et qu'en Savoie 8 fois sur 10 tu ne vois personne de la journée parce que "les gens sont casaniers", et que de toute façon quand on t'invite tu ne peux aller nulle part parce qu'ici c'est pas une inflation c'est un état d'esprit, disons que je suis un peu chafouin depuis mi-juin.
Sport tous les jours, pendant une heure, piscine une fois par semaine, repas à peu près équilibrés et complets. C'est obligatoire. Mais c'est vraiment pas la vie dont je rêve. Et c'est pour ça que je me réveille chaque matin. J'ai encore l'espoir que cette vie change, qu'il se passe des trucs bien, que je parvienne à réussir ce que je décide d'entreprendre, que mon cadre de vie évolue lui aussi, et que je retrouve une vie sociale. Pour ça que je ne cède pas à l'appel de l'hibernation prématurée.
En cinq ans ici, je n'ai fait que travailler ou presque. Tant et si bien que si je ne travaille pas, je me demande ce que j'ai oublié de faire. Mais ici tu travailles pour vivre. Tu peux ne faire que ça et cumuler trois ou quatre activités, tu ne t'en sors jamais. Tout est excessivement cher donc, les gens sont casaniers. Ils vivent en circuit court. Ils font inlassablement les mêmes choses tous les jours et avec les mêmes gens. Et ils trouvent ça normal. Tant qu'il sont heureux j'ai envie de te dire.
Quand moi, dans mon monde idéal, je rêve de voyager, de grands espaces, de nouvelles contrées, de nouveaux endroits, de personnes à rencontrer, de saveurs, de paysages… je suis confrontée à une réalité qui me terrifie. Stagner, faire du sur place, et chaque année la même histoire. Je ne suis plus partie en vacances depuis 2015. Alors y a pire, y a toujours pire. Mais ça veut surtout dire que ça fait 8 ans que je ne m'arrête pas. Que je suis toujours en alerte, en action, au taquet. Disponible, corvéable, pas trop exigeante. Que j'accepte les missions les plus dingues pour gagner deux francs six sous, qui serviront en cas de panne, de pièce à changer sur la voiture, de régul de chauffage ou d'électricité.
Tout ça n'est pas satisfaisant du tout et la seule personne qui peut changer : c'est moi. D'où le sport. le nouveau contrat de travail à la rentrée, la nouvelle "routine" de soins pour remodeler mon corps. D'où le fait de dépenser de l'énergie pour calmer mon mental, de boire plus d'eau pour davantage l'éliminer. De prioriser.
Le problème de la solitude, c'est que malgré tous tes efforts pour remplir ta vie, y a un moment où tu finis par réfléchir. Et là mon pote, t'es pas sorti de l'auberge. Surtout quand tu as une pensée en arborescence et que tu fais des associations d'idées plus vite que ton ombre. Alors on en est là. Encore. A devoir faire des efforts, à devoir serrer les dents, à devoir relativiser, à devoir.
Je suis un peu fatiguée de tout ça. Il semble que je sois arrivée à un carrefour là, et que plus rien ne sera vraiment comme avant. J'ai arrêté de lutter pour avoir raison, déjà c'est un signe. J'ai arrêté de vouloir à tout prix faire entrer des carrés dans des ronds. J'ai arrêté de me conformer. Je sais ce que je vaux et en tout cas ce qui n'est pas moi.
Et j'ai appris à accepter ce que je ne pouvais pas changer, dont notamment ma "spécificité", mon demi-papillon ; dont par exemple, mon célibat. Il est bien dû à quelque chose : une envie de facilité, de simplicité, de fluidité, qui fonctionne dans l'amitié me semble-t-il, plus difficilement sur la durée en amour.
Alors voilà. On est vendredi soir, j'avais un truc de prévu mais le travail a débordé donc j'ai dû (encore) annuler. Et je suis là derrière mon écran, à taper sur ce clavier en me disant, "écris, ça servira bien à quelqu'un de voir que derrière des sourires et des blagues, derrière cette apparence de joie continue, il y a aussi des fils qui se touchent et d'autres qui traînent par terre."
Je ne sais pas à qui pourront servir ces lignes, mais quoiqu'il en soit, je tiens à dire que : je suis en vie, je me tiens à peu près droite quand je suis sur mes deux pieds, je ne tombe plus, je n'ai plus de dettes, je suis libre, j'ai pas de thunes mais du coup, ça, je connais déjà. Et le soleil se lève encore. Ma foi, y a pire.
Alors je vous l'accorde y a mieux aussi, et avec la petite collection de diplômes et de savoir-faire que je me trimballe je pourrais aspirer à plus. Ecoutez, avant d'aspirer déjà je respire. On va faire un truc à la fois. Et pour le moment on va se souhaiter bon courage, bon été, des bisous, ça va bien se passer. Et hop, au dodo. Non mais parce que bon, quitte à ne rien faire, autant se reposer, c'est toujours ça de gagné.
Bisous.
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