Calm Down (la folle époque que nous vivons)

"Je n'aime pas trop cette époque". J'ai écrit ce message ce matin et il est resté collé à moi toute la matinée, tournant en boucle dans ma tête, malgré les longueurs à la piscine, malgré la sieste, malgré les monceaux de tâches à accomplir que j'effectuais les unes après les autres. 

Parce que c'est vrai que je ne me sens pas très à l'aise avec la frénésie ambiante. J'ai le sentiment que le temps m'échappe et que rien ne peut freiner sa course. Ce n'est pas tant une question de "temps qui passe" ou de "vieillesse" parce que je m'estime chanceuse de vieillir, ça veut dire que je suis en vie.

Non c'est plus cette sensation de cligner des yeux et qu'une semaine s'est déjà écoulée sans que je puisse faire quoi que ce soit. D'être à peine lundi que le vendredi soir approche et on peut me dire que c'est parce que j'en fais trop mais croyez bien que j'ai LARGEMENT réduit la voilure et que j'en faisais plus il y a dix ans.

Aujourd'hui je travaille dans deux écoles trois jours par semaine et j'ai la sensation que les heures sont des secondes. Mais pire que ça encore, je me sens oppressée. Du matin au soir par les messages continus que je reçois, les appels, les sollicitations, les mails. Je ne pense pas être faite pour tant de sollicitations en vérité. Je pense qu'il est temps d'accepter la lenteur. 

C'est donc un éloge de la lenteur que j'avais envie d'écrire aujourd'hui. RALENTIR, mâcher doucement, prendre mon temps, ne rien faire des heures durant rien, regarder les minutes s'écouler, écouter de la musique, boire doucement un thé, déguster chaque morceau d'un biscuit. Redescendre en pression en somme. Re faire des puzzles et jouer à des jeux de société, broder tiens pourquoi pas. Jouer aux cartes. Dessiner.

J'ai besoin d'oisiveté, de temps pour flâner. J'en ai assez de courir, de me dépêcher, ça me fait tourner la tête, ça m'étourdit. Le temps passe si vite déjà, on dirait qu'on a appuyé sur l'accélérateur et que rien ne peut se stopper. Regardez, hier encore nous étions en août et hop la rentrée et hop hop hop on est déjà en automne jeudi. N'est-ce pas complétement délirant ?

Mais encore plus, comment être serein dans un monde qui va si vite ? Alors j'ai cherché, le temps n'accélère pas du tout : une seconde il y a dix ans et une seconde aujourd'hui ont exactement la même valeur. C'est juste nos vies qui ont pris un tournant improbable.

Je vis actuellement dans un appartement qui donne sur une route départementale et si je ferme les yeux et que je me concentre sur l'écoute des bruits, j'entends principalement des voitures passer. Beaucoup. Et vite (zone 30 ? What's that ?) Du matin au soir. Il m'est donc nécessaire si ce n'est vital de mettre de la musique pour oublier ce bruit continu. Jour et nuit. Tout le temps. Le moindre moment de silence est une oasis. Résultat quand je vais chez des amis où je n'entends pas de bruit, à la campagne par exemple j'entends le silence !!!! Chose qui ne me venait nullement à l'esprit avant. Soit, admettons.

J'en arrive à un point où le moindre message entrant alors que je suis occupée m'exaspère, j'apprécie l'heure de sport ou de piscine où je ne garde pas mon portable avec moi mais où il attend sagement dans mon sac dans un casier. Et c'est assez récent. Tout ceci m'allait plutôt bien jusqu'à il y a peu, il faut croire qu'à force d'être seul on s'habitue. Et alors voyez-vous, ça, ça ne me plaît pas du tout.

J'aime les gens, foncièrement et profondément. Je n'aime pas l'idée de vivre recluse dans un lieu excentré du monde loin de toute civilisation. Mais le bruit, les bips (mon portable est en silencieux depuis 5 ans au moins) les notifications, les vibrations, les messages intempestifs qui rendent pourtant belle la banalité du quotidien m'épuisent. 

Et je pense que j'ai atteint une limite, un seuil, un cap. Qu'il est temps de reprendre les choses en main parce que là vraiment ça craint. J'ai envie de crépitements et de lettres à décacheter, de temps alangui et de journées de silence, du craquement des feuilles et du ressac de la mer. Et j'entends des automobilistes et des chauffeurs poids lourds rouler comme s'ils étaient poursuivis par une horde de chevaliers en colère. 

Je viens d'une époque où l'on s'écrivait des mots sur les cahiers et sur les agendas, où on passait des journées entières ensemble, et où on s'écrivait des lettres en rentrant chez soi ; je viens d'un temps où on savait où se rejoindre sans s'appeler, où on se faisait confiance ; je viens d'un temps où le téléphone était relié à un fil et où on était impatient de se voir. Je viens d'un temps où il me semble tout était plus "cool", le temps, les gens, l'humeur, l'air que l'on respirait.

J'éprouve actuellement une certaine nostalgie pour cette période où je me replonge parfois en pensée pour me consoler du monde fou, de l'époque dingue dans laquelle nous vivons. Je n'ai aucun problème avec le progrès, certaines découvertes scientifiques actuelles sont édifiantes et j'arrive même à utiliser quelques nouvelles technologies à peu près correctement. Mais j'ai du mal à saisir l'instant, j'ai besoin de voir, de sentir, de toucher des choses vraies et authentiques et je n'entends que de la superficialité.

Et je n'ai plus la télé…

Enfin, outre le temps qui m'échappe et les milliers de messages reçus de toutes parts, le plus "gros" truc qui me dérange si je peux m'exprimer ainsi, c'est la perte progressive et vertigineuse de respect dans les relations humaines. Aujourd'hui on peut se joindre par tout un tas d'applis, par mails, par messagerie instantanée, par sms, par téléphone, par WhatsApp … mais on arrive encore à trouver le moyen de ne pas se répondre, de ne pas s'adresser la parole, de s'oublier piiiiiiiiiire de "se ghoster" comprenez de disparaître, de faire le mort quoi.

On voit des messages sans y répondre, en arriverait-on à considérer nos amis comme des SPAMS ? J'ai un peu du mal à comprendre je dois bien le reconnaître. Et je ne parle même pas de drague là, juste d'amitié, de relations humaines. Non vraiment tout ça m'échappe. Et croyez-moi, je préférerais de loin passer au-dessus et ne pas en être touchée même effleurée mais voilà, je suis ainsi faite.

L'idée de "consommer" nos relations, de ne s'engager nulle part et sur rien au cas où on trouverait mieux, de swiper (comme sur des applis de rencontre j'ai beau avoir un certain âge je connais bien les pratiques de ces gens) même nos amis dans la vraie vie, devoir s'inventer un mari quand décliner simplement une invitation ne se suffit pas à soi-même, devoir s'inventer des excuses pour avoir un peu la paix, fin bref y a rien qui va ou comment ça se passe ? 

Vous l'avez compris je pense, j'étouffe dans ce monde schizophrène. On se revendique libre et en mesure de s'exprimer sur tout même quand on en sait fichtrement rien, on donne son avis tout le temps, même quand en vérité on s'en fiche pas mal, on s'inflige des choses sans prendre conscience ni de notre durée de vie (qui je le rappelle n'est pas rechargeable) ni de notre unique corps (lui non plus on ne peut pas le rendre ou l'échanger). L'alcool est devenu "cool" donc ne pas boire est suspect, on préfère être en couple avec des gens qu'on n'aime qu'à moitié et qui nous plaisent à peu près plutôt que de se confronter à notre propre solitude, à nous-mêmes quoi. 

On ne vibre plus que grâce à des shoots de bonheur, on ne ressent plus les premiers frissons de l'amour qui nous embrasent le ventre et le cœur, tout cela ne dure qu'un instant et se meurt. On n'entretient plus nos amitiés ni nos amours, on sélectionne, on aime au rabais, on s'économise. Rien que d'y penser j'en ai la chair de poule.

J'aimerais tellement vous dire que tout va bien, que l'époque a un certain charme et qu'on vit une période exceptionnelle mais voyez-vous je suis plus inquiète que tranquille en ce moment, sur l'état du monde. Et quand tout à l'heure, je suis tombée par hasard sur cette vieille chanson à la radio, je me suis dit tiens, comme ces paroles sont d'actualité. Bingo gringo, elle date de 2007. Eh beh…

Alors voilà, je pose cette amère - et je l'espère passagère - vision de la période actuelle ici, en espérant trouver des moyens de ralentir un peu et de retrouver le Nord (au sens propre et figuré). Déjà venir ici, ça me fait oublier 15 minutes que j'ai plein de choses à faire, ça me permet de me dire que comme l'urgent est fait, le reste peut attendre ; ça me permet aussi de me dire que j'ai aidé plein de gens et qu'il est temps de m'aider moi-même. Et ça me permet surtout de passer de loin en loin un peu de temps avec vous. 

J'espère que vous allez bien, que vous tenez bon, mais comme vous êtes ici, c'est sûrement que ces questions, vous vous les posez aussi alors courage les amis, le soleil revient toujours.

Je vous embrasse. 




Commentaires

Articles les plus consultés