Les cycles

D'aussi loin que je me souvienne, j'aime bien finir les trucs que je commence. Les cycles ou les conversations, les articles, les livres, les puzzles, les dessins. Le sentiment d'inachevé me fait peur, me donne l'impression de n'être pas allée au bout des choses, me bloque, me laisse en suspens et le flottement, le flou m'ont toujours tendue.

Je ne sais pas bien encore expliquer pourquoi. Peut-être faut-il que je corrige cette tendance? Peut-être oui. Ou pas. Mais je n'aime pas entrer violemment dans un sujet ou finir abruptement une conversation. J'aime la rondeur des mots et des relations, la douceur des échanges, la tendresse en fait. On m'a dit il y a peu que j'étais douce, je ne cherche pas particulièrement à être d'une certaine manière, mais je fuis le conflit et la dureté, la noirceur, l'âpreté. 

Sans doute de par mon caractère, je tire une certaine nécessité à embrasser chaque situation, à être là où je suis parce que je l'ai choisi, à ne plus subir, à ne plus me brader. Fâcheuse tendance à vouloir que tout le monde soit aligné, mauvaise habitude bien sûr, confinant à la manie à certains regards, j'aime que les gens soient libres, comme j'aspire moi-même à le rester. 

Pourtant des fois, je lutte. L'inachevé s'instaure dans chaque interstice de la vie. Je lutte pour recadrer mes contours flottants, je lutte pour réduire les zones d'inconfort et de trouble, j'essaie de mon mieux, avec sincérité en plus, à adoucir les instants, toujours, partout. Bon, ce n'est pas toujours concluant, mais j'essaie encore. En revanche, jamais je ne m'impose. Si je suis là, c'est que toutes les voix intérieures et extérieures, toutes les énergies des personnes qui m'entourent le veulent. Si on ne veut pas de moi, je m'efface. J'ai mal, en silence, je pleure pour nettoyer et panser mes plaies mais jamais au grand jamais je ne force qui que ce soit à m'aimer.

Ma chance, et sans doute la vôtre aussi, c'est de lire entre les lignes. Les longs silences (je parle des LONNNNNNNNNGS silences voyez?) ne sont pas des signes d'abandon. Il y a des gens à qui il faut plus de temps, et soudain, vous recevez un texto plein de reconnaissance en réponse à un super vieux  message envoyé: "je suis là, toujours, prends ton temps, mais donne-moi de tes nouvelles.". Oui, les gens, même silencieux, entendent vos messages. Oui, les gens, même s'ils ne répondent pas à vos messages gentils reçoivent vos messages. Donnez si vous voulez recevoir, aimez si vous voulez être aimé. Mon père m'a dit "toi, depuis petite, tu as besoin qu'on t'aime, plus que les autres gens. Tu as besoin d'amour c'est ton oxygène". Bon, bein, au moins, on est tous au courant.

J'ai besoin d'aimer oui, et c'est ce que je fais. M'est-il rendu? Oui, sans conteste. En suis-je toujours consciente? Euh...la plupart du temps oui. Des fois, il me faut plus de temps que d'autres pour vraiment mettre des mots sur ce qui m'est témoigné. Mais si je laisse entrer des gens dans mon cœur, alors que je m'aperçois en vieillissant que je deviens sélective (trop morflé peut-être? Le cœur a ses douleurs hein, oui, voilà.) c'est que je l'ai choisi et que j'en assume les conséquences. Je prends le risque oui, de laisser entrer les gens. Mais pas tous. A présent, il n'y a de place que pour ces personnes lumineuses qui me sont envoyées d'on ne sait bien où mais au moment opportun.

J'ai fini par accepter ces facettes de moi. J'ai essayé de les gommer, j'ai essayé de les modifier, j'ai essayé, par le passé de me conformer. Mais j'ai arrêté. J'ai mis fin à ce jeu de dupes. Aujourd'hui, en 2019, il semble qu'on ne puisse pas faire autrement, si on veut m'aimer, si on me veut dans les parages, que d'accepter cette nécessité impérieuse de clarté et de sincérité. Et qu'on soit en mesure de se prendre des salves d'amour de temps à autre. Des fois, y a des trop-pleins de gentillesse en moi, je suis obligée de le distribuer. Faites avec hein.

Je termine donc les cycles, les dessins, les morceaux de musique, les apprentissages, les conversations. On dit de moi que je suis jusquauboutiste. Peut-être. Mais je vis sans regrets, au moins. Et si j'ai mal, c'est en silence. Je distribue mon amour (sous toutes ses formes, n’extrapolez pas à outrance) parce que j'ai dû tomber dedans étant petite, mais mes peines, je les dissous ...en finissant des cycles, des dessins, des conversations. Cela ne veut pas dire que la conversation ne pourra pas reprendre. Cela veut juste dire que tout le monde a les mêmes informations, les mêmes cartes en main, le jeu n'est pas vicié, on est à égalité dans la relation, on est solide, on se fait confiance.

Faut peut-être songer à distribuer un mode d'emploi de soi...pour les caractéristiques de base? :) 

Je vous embrasse.



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